Comprendre les paroles de la chanson « La Fin du Show » des Cowboys Fringants

Cet article est le fruit d’une amusante collaboration entre Guillaume Gaguet — un fan fini du groupe Les Cowboys Fringants — et le site Traduction du français au français.

L’initiative de Guillaume a donné naissance au livre « Les Cowboys Fringants — Les Routes du Bonheur », un ouvrage qui va bien au-delà de la simple biographie musicale. Il explore l’univers des Cowboys à travers leur musique, leur parcours remarquable, leurs tournées européennes, tout en s’attardant à l’une de leurs singularités : une langue québécoise à la fois familière et déroutante pour l’oreille française.

Guillaume nous a approchés pour affiner la justesse de ses traductions, et s’assurer qu’il expliquait correctement les expressions colorées et les tournures de phrases uniques dans les textes du groupe.

À travers ce dialogue franco-québécois, nous avons redécouvert la richesse de notre propre patrimoine linguistique. « Les Routes du Bonheur » rend ainsi hommage aux Cowboys Fringants, véritables ambassadeurs de la culture québécoise qui, par leur musique, ont su créer des ponts au sein de la francophonie et faire aimer, au-delà de nos frontières, la beauté de notre langue unique.

Le livre de Guillaume Gaguet répond à de nombreuses questions.

Qu’est-ce que le temps des sucres ? Le Motel Robidou existe-t-il vraiment ? Peut-on s’en aller acheter des bébelles en bobettes ? Si vous êtes amateur de la musique bariolée des formidables Cowboys Fringants, ce sont sans doute des questions que vous vous êtes déjà posées. Car le répertoire du groupe regorge de termes, d’expressions, de noms de marques et de lieux dont le sens n’est pas toujours transparent, que l’on soit ou non Québécois. Ce livre, le premier consacré au groupe, s’engage à répondre à ces questions !

La Fin du Show

Extrait du livre « Les Cowboys Fringants — Les Routes du Bonheur »

Fin Du Show (La)

Paroles : Jean-François Pauzé

Musique : Jean-François Pauzé

Disponible sur l’album : Pub Royal

Année : 2024

Lexique des termes québécois

1- Craque : au Québec, le mot « craque » signifie souvent « fente, fissure ou craquelure ». Cette utilisation est tirée du mot anglais « crack ».

2- Dix-huit (18) roues : appelé en France « semi-remorque », camion utilisé essentiellement pour le transport de marchandises commerciales telles que le carburant, les matériaux de construction, la nourriture et d’autres produits de consommation.

3- Estie : dans le contexte de la chanson, « des esties de conneries » désignent vulgairement « des sacrées conneries ». Le mot estie (ou ostie) est un juron très vulgaire au Québec. Il est né de la dénaturation du mot hostie.

4- Follow: issu de l’anglais « to follow » (suivre), ce terme désigne un projecteur de poursuite, un projecteur pivotant dont le faisceau peut être orienté à volonté pour suivre la personne à mettre en lumière.

5- Fun : employé comme adjectif, le mot anglais fun signifie « amusant, drôle ». Cependant, fun est plus amusant qu’amusant. Une personne qui est « le fun » est plus amusante qu’une personne amusante. Autrement dit, fun est plus drôle qu’amusant. Employé comme nom, il pourrait être traduit par « plaisir » ou « joie ».

6- Frapper : le verbe « frapper » est ici synonyme de « percuter », en l’occurrence avec un véhicule.

7- Jumbo jet : terme issu de l’anglais désignant un avion de grande capacité (jusqu’à 850 passagers), également appelé « gros porteur ».

8- Rendu (être) : être arrivé. J’suis rendu au boute du boute renvoie ici l’idée d’être arrivé à la fin du parcours.

9- Ride : « un tour », « une virée ». Il s’agit d’un anglicisme, prononcé à l’anglaise pour éviter la confusion avec ride, pli dans la peau. Il est utilisé ici comme une métaphore de l’existence.

10- Show: anglicisme désignant un spectacle.

11- Slow-fader : ce terme anglais désigne, dans le monde du spectacle, la lumière qui baisse tranquillement en fin de représentation. Le terme est ici utilisé comme une métaphore pour évoquer l’idée d’une santé qui s’étiole et s’affaiblit avec le poids des ans.

12- Truck : anglicisme désignant un camion.

Lexique des expressions québécoises

1- All right: locution anglaise, que l’on pourrait traduire par « d’accord ».

2- Au boutte du boutte : l’expression « au bout » (ou « au boutte ») signifiant « à la fin », « au boutte du boute » décuple le sens, évoquant ainsi l’idée d’une extrémité, d’une « toute fin », d’une « fin ultime ».

3- Au coton : même si la langue française offre des dizaines de synonymes à l’adverbe « beaucoup », les Québécois ont senti le besoin d’en inventer plusieurs autres. « Au coton » en est une, de même que « à l’os », « à (la) planche », « au boutte », « en s’il vous plaît » (plus rare) et bien d’autres qui se sont ainsi joints à la liste d’équivalents de « beaucoup ».

4- En tabarnak : issu de « tabernacle », « tabarnak » peut aussi aussi s’écrire « tabarnac » ou « tabarnack ». Il s’agit d’un des jurons les plus fréquemment utilisés en québécois. Mais dans ce contexte, « tabarnak » est employé comme un amplificateur : avoir du fun « en tabarnak », c’est avoir « sacrément » du plaisir.

5- Fak c’est ça : cette expression sert à exprimer l’évidence, la certitude. Un équivalent en France serait « c’est comme ça ». La graphie la plus courante est « faque, c’est ça ». Une variante populaire de cette locution est « c’est ça qui est ça ».

6- Passer de l’autre bord : cette expression signifie littéralement « passer de l’autre côté ». Par extension, l’expression évoque l’idée de « changer de perspective », mais décrit également de manière imagée, comme son pendant français, l’idée de « mourir ».

7- Usé à la corde : plusieurs des premiers colons québécois exerçaient le métier de tailleurs d’habits. Cette compétence était fortement recherchée et très appréciée dans les débuts de la colonisation en Nouvelle-France. Il n’y avait pas d’usines de textile au pays et la plupart des tissus et vêtements « à la mode » étaient importés d’Europe. Beaucoup de paysannes avaient appris à fabriquer au rouet le fil de laine et les vêtements ainsi tissés étaient chauds, mais certainement loin d’être aussi confortables que ceux portés aujourd’hui.

Les vêtements usinés étaient rares et dispendieux. L’expression « usé à la corde » remonte à cette époque ; on l’utilisait pour décrire des vêtements aussi usés que des tapis. Dans les familles, les vêtements se transmettaient d’un enfant à l’autre, au fur et à mesure de leur croissance. Par extension, être « usé à la corde » évoque l’idée d’une usure extrême, sans rétablissement ou amélioration possible.

Paroles de la chanson 

La vie m’a gâté comme personne
Parce qu’au final
J’l’ai eue facile, j’ai eu du fun
Faisant des excès au coton
Sans jamais trop faire attention
J’ai fait 10 fois l’tour d’la planète
Dans des trucks et des jumbo jets
Que j’sois à Bruxelles ou Candiac
J’ai eu du fun en tabarnak
J’ai chanté dans les plus grandes salles
De Paris jusqu’à Montréal
J’ai profité de la chaleur
De la gloire et ses réflecteurs
Pis un jour la vie nous rattrape
Comme un 18 roues qui nous frappe
La jeunesse cèdе de guerre lassе

Sous le poids des années qui passent
La santé dans le slow-fader
Je cherche en vain une lueur
Un p’tit rayon pour m’accrocher
Dans les craques d’une gloire passée
J’veux pas d’votre pitié ni rien d’autre
Ma vie fut ben plus cool qu’la vôtre
Mais mon corps usé à la corde
Demande sa miséricorde
Ce soir c’est l’ombre de moi-même
Qui sans bruit va quitter la scène
Déposant doucement le micro
Ce soir c’est l’ombre de moi-même
Qui sans bruit va quitter la scène
Pour passer d’l’autre bord du rideau
Est-ce qu’on est à la fin du show ?
J’pense ben que c’est la fin du show
Karl c’est tu la fin du show ?
Oui on est à la fin du show
Fak c’est ça
On en est là
J’n’aurais pris plus
C’est d’jà le terminus
Moi qui a tant aimé la vie
Tout est fini
Chu fatigué
J’peux pu chanter
J’en ai plein l’cul
Et le coeur n’y est plus
J’suis rendu au boutte du boutte

J’me serai fait mal
Brûlant mes ailes
Autant que la chandelle
Souvent mon instinct de mort
Était plus fort
Dans ma tête en friche
J’rêve de repos
Plus d’espoir à l’affiche
J’ai donné mon dernier show
Ferme le follow pis les lumières
Non je n’ai plus besoin qu’on m’éclaire
Je sors par la porte d’en arrière
Sur la pointe des pieds, je me jette dans l’Univers

Qu’est-ce qui a après la fin du show ?
C’tu cool ou c’est l’silence radio ?
Qu’est-ce qui a après la fin du show ?
Adieu frères de larmes et de sang
Ou devrais-je vous dire à néant ?
Parce qu’au moment d’la fin du show
Y’a rien d’l’autre côté du rideau

Pas de voyage organisé
Dans un tunnel illuminé
Pas d’enfer ni de paradis
Tout ça c’est des esties d’conneries
C’est c’qui arrive à la fin du show
C’est c’qui arrive à la fin du show
Qu’elle soit extra ou ordinaire
Chaque vie finit d’la même manière
C’est la seule justice sur la Terre
Tous égaux dans le cimetière
Qu’elle soit extra ou ordinaire
Chaque vie finit d’la même manière
C’est la seule justice sur la Terre
Tous égaux dans le cimetière
C’est c’qui arrive à la fin du show
C’est c’qui arrive à la fin du show
Qu’elle soit extra ou ordinaire
Chaque vie finit d’la même manière
C’est c’qui arrive à la fin du show
Pas de voyage organisé

De ma route
Mon étoile se meurt
Tombe le rideau
Ce soir le vieux chanteur
A donné son dernier show
Ferme le follow pis les lumières
Non je n’ai plus besoin qu’on m’éclaire
Je sors par la porte d’en arrière
Sur la pointe des pieds, je me jette dans l’Univers
J’pourrai dire
Avec un sourire
« Ok, all right
J’ai eu une ben belle ride
Et je n’ai aucun regret »
Mais c’est pas si vrai

Dans un tunnel illuminé
C’est c’qui arrive à la fin du show
C’est c’qui arrive à la fin du show
C’est c’qui arrive à la fin du show
Ferme le follow pis les lumières
Non j’ai plus besoin qu’on m’éclaire
Je sors par la porte d’en arrière
Pour que m’avale l’Univers

[…]

La chanson La Fin du Show en quelques mots 

Du haut de ses sept minutes, le morceau « La Fin du Show » voit Karl Tremblay tirer sa révérence sur un morceau particulièrement fort et poignant. Sur la comédie musicale Pub Royal, c’est le personnage « Johnny Flash », un vieux rockeur, qui chante ce morceau au moment de rendre son dernier souffle.

Mais c’est bien en pensant à son ami Karl, son « chum » de toujours, que Jean-François Pauzé a écrit et composé ce qui est un des morceaux les plus poignants du répertoire des Cowboys Fringants. Titre à tiroirs, « La Fin du Show » s’inscrit dans la longue tradition de ces ballades rock américaines qui s’envolent et s’étirent, à l’image de « Free Bird » de Lynyrd Skynyrd ou « Highway Song » de Blackfoot.

Ce morceau épique est un adieu en connaissance de cause de Karl, qui chante sa mort à venir avec pudeur et lucidité, loin de l’auto-apitoiement. Le morceau est illustré par un clip voyant les Cowboys restants ranger leurs instruments et regarder vers le ciel… Un titre d’une puissance phénoménale, duquel se dégage une force de vie qui transcende les adieux du chanteur et nous permet de voir la lumière dans le noir.

« Je n’ai jamais parlé [de cette chanson] avec Karl avant le jour où il l’a enregistrée », explique Jean-François Pauzé. « C’est très beau. Il l’a faite un peu différente [de la version dans Pub Royal].

Elle est plus calme. Il était dans un mood de gars en fin de vie quand il l’a enregistrée. C’est très touchant. Il y a comme une petite fragilité dans sa voix. »

Source : Le Journal de Montréal, 17 janvier 2024.

Le saviez-vous ?

Publié le 25 avril 2024, l’album Pub Royal s’est installé la semaine de sa sortie en tête du classement du Canada iTunes Top Album, réalisant l’exploit de surpasser le dernier album en date de la très populaire Taylor Swift. En cette fin avril 2024, ce sont même 9 albums du groupe qui se retrouvent dans le top 10 des écoutes, chose rare pour des artistes francophones au Canada. Marie-Annick déclare alors : « Je trouve que c’est une belle victoire pour les Québécois francophones. Les Québécois francophones qui chantent en français. Nous sommes tellement sous-estimés dans cette industrie… Je vous aime les artistes de chez nous ! Cher public, merci de vous intéresser à la plus belle culture au monde, la nôtre. »

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