Exprimer sa fatigue au Québec : être brûlé et manquer de jus
Avez-vous déjà été si épuisé que vous avez mis votre téléphone au réfrigérateur ou cherché vos lunettes alors qu’elles étaient sur votre nez ? Au Québec, on a une expression parfaite pour décrire cet état : être brûlé.
Parmi les nombreuses façons colorées de parler de fatigue au Québec, l’expression être brûlé occupe une place de choix.
Bien plus imagée que « je suis fatigué », cette expression évoque un état d’épuisement avancé, comme si toute l’énergie d’une personne avait été réduite en cendres.
Au Québec, lorsqu’on est « brûlé », on ressent donc une fatigue qui nous fait hésiter entre dormir debout et nous coucher au fond du premier garde-robe (placard) venu.
Exemples :
— Je suis tellement brûlée que, ce matin, j’ai mis mon cellulaire dans le frigidaire et le yogourt (yaourt) dans mon sac à main.
— Je suis trop brûlé pour aller faire mon jogging. Je suis sûr que mon ombre avancerait plus vite que moi.
— Vous voulez un signe que je suis brûlé ? J’ai regardé le plancher crotté du métro et je me suis dit : « mais ça serait une bonne place pour piquer un petit somme. »
Être brûlé, c’est donc être vanné.
Être brûlé ben raide
On entend aussi « brûlé ben raide », une tournure qui met l’accent sur l’intensité de l’épuisement.
Au Québec, raide ne veut pas seulement dire « rigide ». Utilisé comme adjectif ou adverbe, raide peut signifier « complètement » ou « totalement ». Dans ce contexte, raide est souvent accompagné de ben — une forme familière de bien, prononcée « bin » dans la langue parlée.
Être brûlé ben raide, c’est donc être claqué jusqu’à la moelle.
Je n’ai plus de jus : être épuisé jusqu’à la dernière goutte
L’expression québécoise ne plus avoir de jus est une façon très imagée d’exprimer l’épuisement ou le manque d’énergie. C’est similaire à d’autres expressions, comme être à plat ou être vidé. Les anglophones disent running out of juice.
Ne plus avoir de jus, ou manquer de jus, tire son origine d’une analogie avec les appareils électriques ou les piles qui n’ont plus d’énergie, plus de « jus » (électricité), pour fonctionner. Elle s’est naturellement transposée au corps humain, comparant notre énergie vitale à de l’électricité.

Exemples :
— J’ai couru le marathon, mais après seulement 10 kilomètres, je n’avais plus de jus. Quand j’ai terminé la course, il n’y avait plus personne, à l’exception de ceux qui démontaient les banderoles.
— J’ai beau avoir bu un gallon de café, je suis crevé, je n’ai plus de jus.
— Hier soir après le travail, j’ai ouvert le frigo pis (puis) je suis resté là, les bras ballants, à fixer l’intérieur… j’avais plus de jus.
Qu’on soit brûlé ou qu’on n’ait plus de jus, ces deux expressions québécoises illustrent une expérience universellement partagée : le combat contre la fatigue. Elles témoignent également de l’amusante capacité de notre langue à transformer la fatigue en une forme une poésie aux traits tirés, capable de provoquer un sourire chez ceux qui découvrent ou redécouvrent ces expressions.
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