Se faire griller au Québec

Imaginez la surprise des vacanciers européens venus profiter des plages de nos nombreux lacs lorsqu’ils découvrent qu’ici, au Québec, ils « grillent » comme des saucisses sur un barbecue ! Chaque région du monde a ses délices linguistiques.

Au Québec, le verbe griller est fréquemment utilisé comme synonyme familier du verbe bronzer. Ainsi, après une journée passée au soleil, les Québécois et Québécoises ont grillé ou bronzé, selon leurs préférences linguistiques. Cependant, si les deux termes sont courants à l’oral, c’est généralement bronzer qui est privilégié à l’écrit.est aussi employé comme synonyme du verbe bronzer.

Exemples :

— Le bonheur pour moi, c’est me faire griller la bedaine au Mexique tout en sirotant des breuvages (boissons) colorés durant le mois de janvier.

— Mon voisin est étrange. Il passe ses journées dans son entrée de garage, couché sur une chaise longue, à se faire griller. Mais ce qui me dérange vraiment, c’est que son costume de bain (maillot de bain) est beaucoup trop petit !

— Je suis brûlé (épuisé), je vais aller me faire griller pour me remettre d’aplomb.

J’aime ça me faire griller. Ça me détend plus que le yoga.

À noter que les verbes griller et bronzer ne sont synonymes que lorsqu’on parle de bronzage. Ils ne sont pas interchangeables dans d’autres contextes. Ainsi, on dira toujours « de la viande grillée » et jamais, au grand jamais, « de la viande bronzée ».

Je ne grille pas, je pleume

Au Québec, le verbe pleumer signifie « perdre de petites couches superficielles de peau, particulièrement après avoir pris un coup de soleil ». Ce terme est ainsi synonyme du verbe peler, utilisé ailleurs dans la francophonie. On dira donc volontiers après une journée au soleil : « Je pleume ! »

Pleumer signifie aussi « retirer la couche superficielle d’un être vivant, notamment en l’arrachant ou en la grattant ».

La peau du dos d'un homme qui desquame après un coup de soleil. Au Québec, nous disons pleumer.
J’ai une peau délicate. Je pleume au moindre coup de soleil.

Exemples :

— J’ai l’air idiot avec le nez qui me pleume. Pourtant, hier, j’ai mis une bonne couche de crème solaire pour me protéger. Avoir su que je passerais une entrevue d’embauche aujourd’hui, je serais resté à l’ombre.

— Moi, je ne bronze jamais. J’attrape un coup de soleil, je rougis, puis je pleume. Ma peau est soit rouge homard ou soit blanche comme neige.

— Quand j’étais enfant et que je pleumais, je m’amusais à tenter d’enlever les plus grosses lamelles de peau sans les déchirer. Ça levait le cœur de mes sœurs. Mon record : 4 pouces (10 cm).

En costume de bain sur la plage

Au Québec, les gens qui vont à la plage ne portent pas forcément un maillot de bain, mais ne sont pas pour autant des adeptes du nudisme ! En réalité, ici, on préfère souvent enfiler un costume de bain. Rassurez-vous : malgré son nom élégant, un costume de bain n’est pas plus chic qu’un maillot de bain. Il s’agit simplement d’un synonyme, désignant exactement le même vêtement.

Je crois que je n’ai pas bien compris le sens de la locution «costume de bain».

Exemples :

— Je déteste acheter un costume de bain. Chaque fois que j’entre dans une cabine d’essayage, je me trouve gros et je déprime pendant une semaine. Astheure (maintenant), je ne les essaie même plus. J’en choisis un au hasard et je vis d’espoir.

— L’élastique de mon costume de bain a lâché pendant que je faisais des longueurs, et je ne m’en suis pas rendu compte avant que le surveillant m’avertisse. La honte !

— Les costumes de bain pour hommes sont en vente (en solde), jusqu’à la fin du mois d’août.

Les juillettistes et les aoûtiens

Au Québec, nous n’avons pas vraiment d’équivalent à ces deux termes bien français : juillettiste et aoûtien.

En France, on utilise ces mots pour différencier, de façon amusante et précise, les vacanciers selon le mois où ils prennent leurs congés d’été. Ainsi, les juillettistes partent en vacances au mois de juillet, tandis que les aoûtiens préfèrent s’évader en août. Cette distinction reflète d’ailleurs une habitude bien ancrée en France, où la période estivale est traditionnellement divisée en deux vagues successives, avec parfois même une petite rivalité entre les adeptes de chaque période !

Les vacances estivales sont souvent plus longues en France qu’au Québec — ce qui, avouons-le, rend parfois les Québécois un peu jaloux de leurs cousins français !

Par contre, au Québec, nous avons les vacances de la construction.

Les vacances de la construction

Les vacances de la construction correspondent à une période de deux semaines, généralement à la fin juillet et au début août, durant laquelle la grande majorité des travailleurs de l’industrie de la construction québécoise sont en congé. Ce congé, instauré par la loi en 1971, a pour but d’uniformiser les périodes de repos dans le secteur, ce qui permet de limiter les retards de chantier et de faciliter la coordination des projets.

Pendant ces deux semaines, la majorité des chantiers s’arrêtent complètement à travers la province. Cette pause collective a peu à peu influencé d’autres secteurs, au point où de nombreuses entreprises non liées à la construction ferment elles aussi leurs portes. Ce moment de l’année est devenu un temps fort des vacances familiales au Québec, marqué par une forte affluence sur les routes, les campings, les lieux touristiques et les crèmeries, commerce où l’on sert des cornets de crème glacés ( appelés glaces en France).

Enfin! Je vais me faire chauffer la couenne

Au Québec, partir en vacances au soleil, c’est l’occasion rêvée de se chauffer la couenne. Dans cette expression, le mot couenne ne désigne pas la peau croustillante du porc rôtie à la flamme, mais plutôt la peau humaine — surtout quand elle rôtit doucement au soleil.

Cela dit, l’usage de couenne pour désigner la peau humaine est assez rare et se limite à deux expressions bien ancrées dans le parler québécois.

D’un côté, on peut se faire chauffer la couenne en se dorant au soleil. De l’autre, on peut avoir la couenne dure, ce qui signifie « avoir les nerfs solides, être coriace, endurci ou résistant ». Dans certains contextes, cette dernière expression peut même évoquer une forme de résilience, une capacité à encaisser les coups sans flancher.

Sur une plage, une famille se fait dorer la couenne au soleil.
Le bonheur pour nous, c’est de nous faire chauffer la couenne en famille.

On dit aussi se dorer la couenne au soleil

— Le bonheur pour moi, c’est me faire dorer la couenne sur une plage à Cuba.

Pour découvrir les autres sens québécois du mot couenne, nous vous invitons à consulter l’article Avoir la couenne dure.

Heureux d’un printemps

L’auteur-compositeur-interprète québécois Paul Piché a utilisé l’expression « se chauffer la couenne » dans sa chanson Heureux d’un printemps :

Heureux d’un printemps qui me chauffe la couenne
Triste d’avoir manqué encore un hiver
J’peux pas faire autrement, ça me fait de la peine
On vit rien qu’au printemps
Le printemps dure pas longtemps.

Partagez cet article!

Inscription à l’infolettre

Inscrivez-vous à notre infolettre (newsletter) pour recevoir les nouveaux articles publiés sur Traduction du français au français.

Je m’inscris

Nous utilisons votre adresse courriel uniquement pour vous envoyer l’infolettre. Vous pouvez vous désinscrire à tout moment.