Le voisin gonflable
L’amusante locution québécoise voisin gonflable décrit un phénomène social bien connu : la tendance des gens à vouloir égaler ou surpasser leurs voisins ou ceux qui les entourent, par souci de prestige ou de conformité sociale.
Le choix des mots voisin et gonflable n’est pas anodin : le premier fait référence à la proximité, tandis que le second évoque une exagération presque caricaturale, comme celle d’un ballon qui enfle sans fin.
Cette locution s’applique donc à quelqu’un qui nourrit ses désirs en fonction des possessions de son voisinage. Ce comportement peut se manifester de diverses manières : l’achat d’une nouvelle voiture parce que le voisin vient d’en changer, le remplacement de sa porte de garage pour ne pas faire pâle figure dans le quartier, ou encore l’acquisition des derniers gadgets à la mode. Il suffit que, dans une rue d’un milieu urbain, un voisin s’achète un tracteur pour que la rue se couvre de tracteurs.
Exemples :
– Je suis curieux de voir comment nos voisins gonflables vont réagir quand ils vont apprendre que ma femme attend des triplés.
– On vient d’installer une piscine hors terre. Nos voisins gonflables vont certainement creuser un lac.
– Pour le tester, j’ai dit à mon voisin gonflable que je suivais des cours de pilotage d’hélicoptère. J’ai hâte de voir sa surenchère.
Pour décrire le phénomène du voisin gonflable, les anglophones utilisent l’expression keeping up with the Joneses. Le nom de famille Jones est très commun dans le monde anglo-saxon, utilisé ici comme symbole du voisin type auquel on cherche à se mesurer.
Le syndrome du parent gonflable
Dans la même veine linguistique, l’expression voisin gonflable en a inspiré une autre: parent gonflable.
Le parent gonflable est englué dans une surenchère éducative où la multiplication des activités parascolaires des enfants et leur performance scolaire deviennent des marqueurs de statut social.
La transcription de la publicité ci-dessus :
— Ah, cours de natation, motricité, yoga bébé pleine conscience… On prend ça relax.
— Nous, on fait aussi de l’éveil sensoriel pis de l’éveil à l’anglais.
— Of course!
— Nous, on fait de l’éveil sensoriel, de l’éveil à l’anglais pis de l’éveil à l’éveil.
[En chœur] — Hum, l’éveil à l’éveil.
— Ah, pas d’éveil musical ? Nous, on lui a fait écouter du Mozart dès la grossesse, pis aujourd’hui, Jade est vraiment très éveillée.
— Nous, on a vendu deux œuvres de Charlie-Aristote au Musée des beaux-arts.
— C’est tellement important d’être cultivé avant la naissance.
— La culture intra-utérine.
— Exact.
[En chœur] — C’est pour eux qu’on fait ça.
— Nous, on lui a appris le langage des signes pour bébé pendant la dernière poussée.
— On lui chante l’alphabet à l’envers.
— On y chante ses comptines en latin.
[En chœur] — Ah, les langues mortes.
[simultané] — Frater Jacobus, Frater Jacobus,
— z, y, x, w, v, u, — Dormisne ? Dormisne ?
— t, s, r, q, p, o.
[en chœur] — C’est pour eux qu’on fait ça.
— Mais oui !
— Mais tellement !
— Nous là, on stresse pas avec ça.
J’aime mieux qu’il se développe à son rythme.
Mon loup ? Tu peux-tu arrêter s’il te plaît ?
— OK.
— Une chance qu’il n’est pas encore dans la phase du non.
[rires] [ensemble] — C’est pour eux qu’on fait ça.