Le redoublement du « tu » interrogatif en français québécois
Une petite particule qui déroute l’oreille.
Qui n’a jamais entendu un Québécois dire « Tu viens-tu ? », « C’est-tu correct ? » ou « Je peux-tu ? » ?
Pour un francophone hors Canada, ce double tu sonne bizarre. Le tu-tu ressemble presque à un bégaiement linguistique. Pourtant, derrière cette tournure québécoise se cache l’héritage d’une particule interrogative disparue de France, mais qui a survécu au Canada.
Voyage dans le temps : le français d’Ancien Régime
Revenons quelques siècles en arrière. Aux 16e et 17e siècles, dans certaines régions de France, on employait la particule ti ou t’il à la fin de la phrase pour marquer l’interrogation.
Par exemple, on pouvait dire :
— Il a-t’il fini ?
— Viens-ti ?
Le ti résulte vraisemblablement d’une contraction de t-il, utilisée après le verbe dans les phrases interrogatives.
Le ti émigre en Nouvelle-France
Lorsque les colons français s’installent en Amérique au 17e siècle, ils emportent avec eux leurs façons de parler. Alors qu’en France la forme ti disparaît au profit de l’inversion classique (viens-tu ?) ou de la tournure est-ce que, le ti québécois se transforme graduellement en tu au 20e siècle.
Un doublon qui n’en est pas un
Pour l’oreille d’un francophone hors Canada, l’effet est trompeur. On pourrait croire que le Québécois s’amuse simplement à répéter le pronom tu. Mais en vérité, il s’agit de deux tu distincts, chacun avec sa propre fonction grammaticale.
Ainsi, dans la phrase « Tu comprends-tu pourquoi on double le “tu” ? », le premier tu est bien le pronom qui désigne la personne à qui on s’adresse, tandis que le deuxième est une marque d’interrogation.
Voici une autre particularité intéressante : le tu interrogatif peut être utilisé avec n’importe quel sujet. Il ne se limite pas au pronom tu. On peut ainsi entendre :
— Il fait-tu frette dehors ? (Est-ce qu’il fait froid dehors ?)
— Ça coûte-tu cher ? (Est-ce que ça coûte cher ?)
— C’est-tu loin d’icitte ? (Est-ce que c’est loin d’ici ?)
— J’peux-tu te donner un coup de main ? (Est-ce que je peux t’aider ?)
— On y va-tu en char ou en métro ? (Est-ce qu’on y va en voiture ou en métro ?)
Un tu qui sonne « tsu »
Nous vous présentons un autre trait distinctif de la langue québécoise : le mot tu qui ne se prononce pas tout à fait comme son cousin français.
Les Québécois ont tendance à ajouter des s ou des z derrière les d et les t, là où rien ne les y oblige.
« Tu penses-tu » s’entend plutôt comme « tsu penses-tsu ? », « mardi » devient « mardzi » ou « peinture » se dit « peintsure ».
Cette particularité, appelée affrication par les linguistes, agit comme une signature sonore indélébile. Même les Québécois les plus habiles à imiter d’autres accents finissent souvent par se trahir en laissant échapper ces z et ces s à l’occasion.
Tu m’aimes-tu ?
Les paroles de chanson Tu m’aimes-tu ?
Ton dos parfait comme un désert
Quand la tempête
A passé sur nos corps
Un grain d’beauté où j’m’en vas boire
Moi j’reste là les yeux rouverts
Sur un mystère
Pendant que toi, tu dors
Comme un trésor au fond’la mer
J’suis comme un scaphandre
Au milieu du désert
Qui voudrait comprendre
Avant d’manquer d’air
Y’est midi moins quart
Et la femme de ménage
Est dans l’corridor
Pour briser les mirages
T’es tell’ment tell’ment tell’ment belle
Un cadeau d’la mort
Un envoi du ciel
J’en crois pas mon corps
Pour moi t’es une prisonnière
En permission :
Qu’importe le partenaire
J’dois être le vrai portrait d’ton père
Une dare-devil Nefertiti
Des sensations
C’tu ta philosophie
D’aller coucher avec un homme t’haïs ?
Pour moi t’as dit à ta chum :
Check le gars’ec des lunettes (Regarde le gars qui porte des lunettes)
M’as t’gager un rhum
Que j’y fixe le squelette
Y’est midi moins cinq
Et la femme de ménage
Est là pis a fait rien qu’
Compter les naufrages
T’es tell’ment tell’ment tell’ment belle
Un paquebot géant
Dans chambre à coucher
Je suis l’océan
Qui veut toucher ton pied
J’pense que je l’ai : j’t’ai sauvé’a vie
Dans queuqu’pays (dans un quelconque pays)
Dans une vie antérieure
La fois j’t’ai dit : Va pas à Pompéi !
C’est quoi d’abord ?
Si c’est pas ça
C’t’à cause d’un gars
Qui t’a tordu le cœur
J’t’arrivé drette (juste) avant qu’tu meures !
C’pas pour mon argent
Ni pour ma beauté
Ni pour mon talent
Tu voulais-tu m’tuer ?
Y’est midi tapant
Et la femme de ménage
« A cogne en hurlant :
J’veux changer d’personnage !
T’es tell’ment tell’ment tell’ment belle
J’vas bénir la rue
J’vas brûler l’hôtel
Coudonc (dis-donc ou en fin de compte)
Tu m’aimes-tu ?
Tu m’aimes-tu ?
Source : Musixmatch
Compositeurs : Richard Desjardins
Paroles de Tu m’aimes‐tu © Foukinic Editions, Foukinic Inc Les Editions

