Se conter des peurs dans la langue québécoise

L’Halloween au Québec, c’est l’occasion idéale de partir à la découverte de mots et d’expressions qui décrivent des émotions intenses comme la peur, l’angoisse ou la terreur.

Commençons par conter des peurs.

Cette locution québécoise possède deux significations : « raconter des histoires à faire peur » ou « raconter des menteries (des mensonges) ».

Exemples :

— Mon oncle s’amusait à nous conter des peurs quand on allait à son chalet (maison de campagne). Ensuite, on ne dormait plus de la nuit. C’était étrangement plaisant.

— Le vendeur d’assurances essayait de nous conter des peurs pour nous faire signer un contrat. Et cela a presque marché ! Je suis passé à deux doigts de signer.

Se conter des peurs

La locutionse conter des peurs (construite avec un pronom réfléchi) peut aussi vouloir dire « s’imaginer des choses effrayantes », « s’affoler pour rien ».

Nous disons aussi bien « se conter des peurs » que « se raconter des peurs ». Les deux versions cohabitent.

Quand nous étions petites, ma sœur et moi aimions nous conter des peurs.
Source photo : depositsphotos

Exemples :

— Chaque fois que je vais chez le médecin, la nuit d’avant, je me conte des peurs et je n’arrive pas à dormir. Le lendemain, j’arrive épuisé chez le médecin qui s’inquiète de me voir si blême. Son inquiétude amplifie mon angoisse. La nuit suivante, je me conte d’autres peurs.

— Depuis que j’ai des enfants, je n’arrête pas de me conter des peurs. J’imagine toujours le pire. Bonjour l’angoisse !

Partir en peur

Quand on se conte des peurs, il arrive que l’on parte en peur.Partir en peur, c’est s’affoler, céder à la panique.

Partir en peur signifie aussi « se lancer dans quelque chose avec beaucoup trop d’enthousiasme ».

Exemples :

— Mon ancien planificateur financier a choisi la mauvaise carrière. Dès que la bourse recule un peu, il part en peur et vend tout.

— Mon patron part en peur chaque fois qu’on reçoit un mauvais commentaire sur Facebook. On doit changer de stratégie marketing trois ou quatre fois par semaine. C’est crevant.

— Jules est parti en peur quand il a appris qu’il serait papa. Le lendemain, il a acheté tout le mobilier de la chambre du bébé, a loué une minifourgonnette minispace et a pris un rendez-vous avec la banque pour ouvrir un compte épargne-étude.

Film de peur

L’Halloween, c’est l’occasion de regarder unfilm de peur, c’est-à-dire un film d’horreur.

Exemples :

— J’aime pas les films de peur. La vie, c’est déjà assez stressant comme ça.

— C’est bizarre, mais ma blonde (mon amoureuse) choisit toujours des films de peur. Je ne connais aucune fille qui aime ça autant qu’elle. Il faut croire que je ne lui donne pas assez d’émotions fortes…

Avoir peur, c’est aussi avoir la chienne

L’expression québécoiseavoir la chienne ne doit pas être interprété de façon littérale. En effet, cela ne veut pas dire qu’on possède une chienne, mais plutôt qu’on a très peur, qu’on est terrifié, qu’on a les jetons ».

Illustration: J'ai vraiment la chienne de retourner chez le vétérinaire dit le chien québécois.

Exemples :

— J’ai la chienne des gros chiens.

— Mon chien a la chienne des chats.

Pour découvrir les nombreuses utilisations québécoises du mot chien, nous vous invitons à lire l’article Le mot chien dans la langue québécoise.

C’est épeurant

L’adjectifépeurant signifie « qui fait peur, qui inspire la frayeur ». Cet adjectif est d’usage courant au Québec.

Prépare ton costume le plus épeurant... Titre d'une page web
Source : FAECUM

Exemples :

— L’Exorciste est le film le plus épeurant que j’ai vu. Il faut dire que j’avais dix ans à l’époque.

— Je ne ferai jamais de parachutisme. Je trouve ça trop épeurant de me jeter dans le vide avec un parachute plié par des gens dans la lune (distraits).

— Mon nouveau patron, c’est épeurant comme il est idiot.

Être épeuré

L’adjectif épeuré signifie « être vivement effrayé ». Il vient du latin pavor, « émotion troublante ». L’usage de ce mot est rare, mais on l’entend à l’occasion.

Mon collègue Jules a toujours un regard épeuré lorsque l’on lui pose une question.

Exemples :

— À sa première journée à la maternelle, mon petit était épeuré sans bon sens (à un degré très élevé). Après trois jours, il courait partout en riant.

— Mon collègue a le regard épeuré. Il vient d’apprendre que c’est le grand patron qui va nous donner nos évaluations annuelles.

Le verbe épeurer existe aussi, mais son usage est plus rare que celui de l’adjectif.

— Mon grand frère prenait un malin plaisir à m’épeurer quand j’étais petit.

Avoir les quételles

Le mot quételles est synonyme de « trouille » ou de « grande nervosité». Son emploi est plutôt rare, mais on l’entend à l’occasion. À noter que « quételles » est toujours employé au pluriel.

On peut avoir les quételles, c’est-à-dire « avoir peur », ou pogner les quételles, c’est-à-dire « être saisi par la peur, prendre peur ».

Exemples :

— J’ai toujours les quételles avant de passer une entrevue. C’est embêtant pour un coach en entreprise.

— Quand mon nom est sorti pour passer l’audition, j’ai pogné les quételles.

Le mot « quételles » aurait de lointaines racines en France. En effet, on retrouve dans une langue d’oïl (langue romane parlée au Moyen Âge dans le nord de la France) le mot quét, qui signifie « chose ridicule ou méprisée ».

Être peureux, c’est être pissou

Le motpissou est synonyme de « peureux, lâche ou craintif ». Il possède une connotation plus négative que le mot peureux.

Les pissous virtuels, titre d'un article
Source : Radio-Canada

Exemples :

— Je suis peut-être pissou, mais au moins, j’ai encore toutes mes dents.

— Mon ex est un gros pissou. Il m’a laissée par texto.

Pissou tire son origine de pissoux qui, en langue d’oïl, signifie « personne qui urine souvent » et du latin populaire pissiare qui se traduit par « uriner ».Dictionnaire d’Antidote

Pissou veut aussi dire « enfant qui fait pipi au lit », mais ce sens est aujourd’hui vieilli autant au Québec que dans l’ensemble de la francophonie.

Est-ce que le pissou québécois a un lien avec la locution pea soup, surnom donné aux Francophones par les Anglophones ? Venez le découvrir en lisant l’article Le pissou québécois.

Petit détour par la France

Les Français utilisent parfois l’expression avoir le taf comme synonyme de « avoir peur ».

Selon le Trésor de la langue française informatisé, le mot taf aurait pour origine l’onomatopée taf, qui imite le son fait par les fesses lorsqu’elles s’entrechoquent sous l’effet de la peur.

Mais attention, le mot taf a plusieurs autres significations, comme « travail ». Dans ce contexte, le mot taf serait un acronyme de « travail à faire ».

— Je vais être au taf. Je serai de retour vers 18 heures.

Si vous aimez la littérature d’horreur, nous vous invitons à découvrir le quiz Histoires d’épouvante du site Qui dit vrai ? Quiz.

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