Le québécois, une langue et des dents différentes
La langue québécoise se distingue aussi lorsqu’elle parle de ses dents.
En effet, nous portons des broches quand nous avons des dents croches ; nous allons chez le denturologiste ; nous utilisons de la pâte à dents ; et nous nous gargarisons avec du rince-bouche pour éviter d’avoir une haleine de cheval (mauvaise haleine).
Voici un petit guide pour décrypter la phrase « quand j’étais flo, j’ai dû porter des broches parce que j’avais les dents croches ».
D’abord, le mot flo veut dire « enfant ».
Ensuite, dans ce contexte, broche signifie « appareil d’orthodontie » et croche veut dire « être désaligné, de travers », en malposition.
Donc, si on a des broches, on porte un appareil orthodontique.
Exemples :
— Quand j’étais adolescent, j’étais complexé à cause que j’avais des broches. Je ne sortais presque jamais.
— Les broches de mes deux garçons m’ont coûté plus cher que ma voiture.
Dans certain contexte, le mot broche signifie aussi « agrafe » ou « fil de fer ». Connaissez-vous les expressions c’est broche à foin ou attache ta tuque avec de la broche ?
Quant au mot croche, tombé en désuétude dans le reste de la francophonie, il est resté très vivant au Québec. Il possède même plusieurs significations : « mal fait », « malhonnête », « de travers » et même « détour ». Il peut donc être un nom, un adjectif ou un adverbe. Pour en savoir plus, consultez l’article que nous lui consacrons : Croche, un mot bien vivant.
Exemples :
— Jules serait si beau s’il n’avait pas les dents si croches (de travers, désalignées).
— Je veux un remboursement pour la table que je viens d’acheter. Elle est toute croche (mal faite).
— Ne fais jamais affaire avec Jules, c’est un maudit croche (malhonnête). Il va te fourrer (« te voler », dans ce contexte) à la première occasion.
Les flos ne sont pas toujours de tout repos
Le nomflo désigne un enfant ou un adolescent. Ce n’est toutefois pas un terme très courant.
— Je dois vieillir. Hier, je me suis entendu dire « ah, les flos d’aujourd’hui », comme disait mon grand-père en soupirant.
L’origine mystérieuse de flo et floune
Le mot flo fait l’objet de plusieurs spéculations étymologiques. Certains avancent qu’il est une déformation de l’anglais fellow, qui se traduit par « homme, individu, camarade ». D’autres disent plutôt que flo serait une déformation de fléau.
Toutefois, l’origine probable serait le nom breton floc’h : écuyer, page, jeune galant, damoiseau. Dans certaines variantes de la langue bretonne, floc’h aurait aussi signifié « enfant ». Cette explication gagne en crédibilité lorsque l’on sait que l’on retrouve le mot flogh (enfant) en cornique, langue apparentée au breton et qui se parlait dans les Cornouailles, en Angleterre.
Nous employons parfois la forme féminine, floune, pour désigner une jeune fille.
Au Québec, on utilise parfois le suffixe –oune pour féminiser les mots se terminant en –o ou en –ou. Par exemple : pitou, pitoune (belle femme, bille de bois, chienne) ; minou, minoune (chatte, terme affectueux, vieille voiture) ; nono, nonoune (personne niaise).
— Elles sont encore juste des flounes et elles pensent avoir toutes les réponses. La vie va leur apprendre…
La denturologie, une profession québécoise
Beaucoup de Québécois sont surpris d’apprendre que le mot denturologie (discipline liée à la fabrication de prothèses dentaires) est inconnu dans le reste de la francophonie.
Un denturologiste est un spécialiste des prothèses dentaires. Dans la langue parlée, nous entendons aussi denturologue.
— As-tu vu le nouveau chum (amoureux) de Julie ? Il est denturologue, mais ça ne l’empêche pas d’avoir les dents toutes jaunes. »
Au Québec, la fréquence d’utilisation des mots denturologue et denturologiste est si élevée que son équivalent, « prothésiste dentaire », y est presque inexistant.
La pâte à dents et le rince-bouche
Pour nous laver les dents, nous utilisons aussi bien de la pâte à dents que du dentifrice. Les deux produits sont identiques, sauf que le nom du premier est une traduction littérale de l’anglais, tooth paste. De plus, nous disons souvent se brosser les dents plutôt que se laver les dents, un autre emprunt à l’anglais, to brush one’s teeth.
Et nous nous gargarisons avec du rince-bouche, jamais avec du bain de bouche ou de l’eau dentifrice, bien qu’on parle du même liquide. La locution bain de bouche est pratiquement inconnue au Québec. Seule l’expression bain de pieds est comprise, et il ne faut surtout pas confondre ces deux opérations.