Expressions québécoises et françaises : c’est pareil, mais pas pareil

D’un côté et de l’autre de l’Atlantique, nous utilisons des expressions légèrement différentes pour décrire des réalités similaires.

Un Français et un Québécois se parlent. LE Français dis qu'il s'Est mis sur son 31 pour aller au mariage de leur cousine. Le Québécois lui répond que lui, il s'est mis sur son 36. Deux expressions qui veulent dire exactement la même chose.

Nous vous présentons cinq de ces expressions « pareilles, mais pas pareilles ».

Se mettre sur son 36Se mettre sur son 31

Au Québec, lorsque nous portons une tenue élégante, nous nous mettons sur notre 36, alors qu’en France, vous vous mettez sur votre 31. Les deux expressions sont de parfaits synonymes.

Exemples :

— Ça faisait longtemps que je n’avais pas vu Jules sur son 36. Il peut être si élégant quand il le veut. Mais il ne le veut pas souvent.

— Quand je l’ai connu, Jules se mettait toujours sur son 36. Aujourd’hui, il ne se regarde même plus dans le miroir avant de sortir.

— J’aime ça les mariages, ça me donne l’occasion de me mettre sur mon 36.

Pourquoi dit-on « 31 » en France et « 36 » au Québec ?

Dictionnaire québécois : se mettre sur son 36
Est-ce qu’il se met sur son 31 ou sur son 36 ?

De nombreuses hypothèses cohabitent pour expliquer la source de ce « 31 » français.

En voici trois : pour certains, c’est la déformation du mot trentain, un tissu de qualité supérieure très coûteux, autrefois destiné aux vêtements des nobles ; selon le Littré, l’expression se mettre sur son 31 se rapporte plutôt au jeu de cartes du même nom, où 31 est le nombre de points nécessaires pour gagner ; et pour terminer, dans les casernes militaires prussiennes, tous les 31 du mois, les officiers supérieurs procédaient à l’inspection des soldats, qui devaient se présenter dans des tenues immaculées.

Pour le « 36 » québécois, il aurait déjà été en usage en France, mais il y serait tombé en désuétude. L’expression se mettre sur son 36 viendrait d’un jeu de mots : 36 = 4 × 9, où neuf a le sens de « nouveau », c’est-à-dire « revêtir ses habits quatre fois nouveaux, ses habits les plus neufs ». Mais c’est une hypothèse parmi tant d’autres…

En fait, de nombreux linguistes ont abandonné l’idée de trouver la véritable explication. Ils ont « lancé la serviette ».

Lancer la serviette – jeter l’éponge

Au Canada français, pour signifier qu’une personne abandonne la partie, on dit qu’elle lance la serviette tandis qu’en Europe, elle jette l’éponge (cette dernière expression est aussi utilisée par les Québécois).

L’expression lancer la serviette est une traduction de l’anglais toss/throw the towel.

Exemples :

— J’ai épuisé toutes les options pour relancer mon usine d’essuie-mains. Il ne me reste qu’à lancer la serviette.

— Jules est soit courageux, soit complètement idiot. Même acculé au mur, il refuse de lancer la serviette.

— Quand Julie a finalement compris que Jules passerait sa vie à boire comme une éponge, elle a jeté la serviette et a demandé le divorce.

Il arrive aussi que les Québécois forment des expressions hybrides comme jeter la serviette ou lancer l’éponge.

Pour éviter de jeter la serviette, il faut parfois donner plus de « jus de bras ».

Jus de brashuile de coude

Au Québec, pour désigner l’énergie, la force ou la vigueur nécessaire à l’accomplissement d’une tâche, nous employons l’expression jus de bras, alors qu’en France, c’est la locution huile de coude qui est utilisée.

Pour devenir champion de kayak, il faut y mettre du jus de bras.
Source photo : Depositphotos

Exemples :

— Allez! Ça va nous prendre encore du jus de bras si on veut terminer avant 17 heures.

— Avec un peu de jus de bras, me disait mon père, on peut devenir musclé.

— Nous pressons nos oranges ici, à la main, pour fabriquer le jus que nous servons aux clients. C’est le cas de le dire, c’est du vrai jus de bras.

Mais parfois, quand on met trop de jus de bras, on va trop loin. On se fait alors prendre par les évènements, on se retrouve avec « un bras dans le tordeur ».

4 — Avoir un bras dans le tordeur / mettre le doigt dans l’engrenage

Avoir un bras dans le tordeur, c’est être pris dans un enchaînement d’évènements dont on peut difficilement se libérer. Pour bien comprendre cette expression imagée, il faut savoir que le tordeur québécois est l’essoreuse française.

Avoir un bras dans le tordeur, c’est le superlatif de mettre un doigt dans l’engrenage. Il nous arrive de combiner les deux expressions pour former « se mettre le doigt dans le tordeur ».

Exemples :

— Il faut faire attention quand on signe son hypothèque, parce que si on ne lit pas les petits caractères, on peut se mettre le bras dans le tordeur, et pour longtemps.

— Je ne pensais pas que je me mettais le bras dans le tordeur quand j’ai commencé à rénover ma salle de lavage (buanderie). Là, je dois changer toute la plomberie. Ça va me coûter un bras (coûter très cher).

— J’aurais dû me douter que je mettais le bras dans le tordeur en acceptant d’être le cosignataire de la boutique « Ongles et beauté » de ma cousine.

Lorsque nous avons le bras dans le tordeur, on peut se mettre à rêver d’« accrocher ses patins ».

5 — Accrocher ses patins / accrocher ses crampons

Au Québec, nation de hockeyeurs, accrocher ses patins, c’est prendre sa retraite, se retirer. En France, nation de footballeurs, la même idée est exprimée par accrocher ses crampons. Toutefois, une nuance s’impose. À l’origine, l’expression accrocher ses patins était réservée aux joueurs de hockey, mais aujourd’hui, elle s’applique à n’importe quelle fin de carrière. En France, il semble que seuls les sportifs peuvent accrocher leurs crampons.

Source : TVA Sports

Exemples :

— Quand j’avais 9 ans, j’ai pris mon courage à deux mains pour dire à mon père que je n’aimais pas le hockey et que je voulais accrocher mes patins.

— J’ai peut-être soixante-douze ans, mais je veux continuer à travailler. Pas question que les petits jeunes de cinquante ans me forcent à accrocher mes patins.

— J’ai déchiré mon croisé ligamentaire lors de ma dernière compétition de saut à ski. Il est temps pour moi d’accrocher mes patins.

Un lecteur nous a écrit pour nous faire découvrir que l’expression « accrocher ses patins » était autrefois utilisée en Bretagne, mais qu’elle avait une connotation différente de celle utilisée au Québec. Une Bretonne lui avait dit : « Quand on faisait le ménage dans la maison, on mettait des « patins » (des grosses chaussettes en laine) pour frotter et faire reluire les planchers. Et quand c’était terminé, on « accrochait les patins ».

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