Les mots québécois pour dire « stupide »
La stupidité est un fléau qui touche toutes les sociétés, et chacune d’elles a développé un vocabulaire riche pour décrire les personnes « niaiseuses ».
La créativité linguistique québécoise dans ce domaine est sans limites, comme la bêtise humaine.
1 — Gros colon
Au Québec, au fil du temps, le mot colon a acquis le sens de « fruste, grossier, inculte ».
Avoir l’air colon, c’est donc avoir l’air stupide, arriéré. Dans ce contexte « avoir l’air » ne se limite pas uniquement à décrire l’apparence physique, mais peut aussi qualifier les capacités intellectuelles.
— Je m’excuse de te dire cela, mais t’as vraiment l’air d’un gros colon avec ton look de jeune ! Quand est-ce que tu vas accepter (admettre) que tu n’as plus 20 ans ?
— Arrête de faire ton colon, tu me fais tellement honte.
— Jules a l’air un peu colon comme ça, mais dans le fond, il est plutôt gentil.

2 — Espèce d’habitant
Traiter quelqu’un d’habitant, c’est une façon non diplomate de lui dire qu’il est grossier, qu’il manque d’éducation. C’est l’équivalent de cul-terreux, de plouc.
— J’ai pris (suivi) des cours sur le vin pour avoir l’air moins habitant dans les soirées mondaines. Je ne peux pas dire que ça soit un franc succès. Je pars à rire chaque fois que j’entends « rond en bouche ».
— Même si j’ai un doctorat, mes collègues d’université me traitent d’habitant parce que je ne suis pas connaisseur en fromage.
3 — Maudit moron
Le mot moron, synonyme d’« abruti, attardé, idiot », est un emprunt direct du mot anglais moron. Ce mot a été intégré au vocabulaire québécois, en conservant sa graphie anglaise, mais en adoptant une prononciation française, caractérisée notamment par la fermeture du son « on » final.
— Jules est découragé. Sa fille est enceinte d’un vrai moron.
— Mon dernier chum (copain), c’était un moron fini (un parfait abruti).
4 — Épais au cube
Le mot épais, dérivé de l’anglais thick, désigne non seulement une personne dépourvue de finesse ou de discernement, mais également quelqu’un de profondément stupide.
Cette injure s’accorde en genre avec la personne qu’elle qualifie : un épais, une épaisse.
— Dis-moi que tu fais exprès pour être épais de même (comme ça) !
— Mon nouveau patron est épais au cube. On doit même lui expliquer comment fonctionne la brocheuse (agrafeuse).
Dans le domaine des mathématiques, l’expression au cube signifie « à la puissance trois ». Par extension, la locution au cube joue un rôle d’adverbe multiplicateur, indiquant le degré élevé de stupidité d’une personne.
Le mot épais est aussi utilisé dans l’amusante expression être épais dans le plus mince, qui veut dire qu’une personne est épaisse (idiote), même dans ses plus petits racoins (recoins).
5 — Un vrai slomo
Un slomo, ou slowmo, est un néologisme québécois issu de la contraction de l’anglais : slow (lent) et motion (mouvement). Slomo (mouvement ralenti) sert à qualifier une personne qui a de la difficulté à saisir les instructions, à comprendre ce que l’on attend d’elle. En Europe, on dirait plutôt « être long à la détente », « lambin » pour décrire ce type de comportement.
— La réceptionniste à l’hôpital était une vraie slomo. J’aurais eu le temps de mourir trois fois avant qu’elle ait fini de remplir la fiche d’inscription.
— L’agent au service à la clientèle était un slomo. C’est moi qui ai fini par lui expliquer ce qu’il devait faire pour m’aider.
Le groupe d’humoristes québécois Rock et Belles Oreilles a créé la famille Slomeau, qui a marqué les jeunes du Québec dans les années 1980-1990.
6 — Dur de comprenure
La comprenure, désigne la faculté de comprendre. Toutefois, son usage actuel tend à se limiter à l’expression dur de comprenure, employé pour qualifier une personne ayant des difficultés à saisir des concepts ou des instructions.
— Je n’avais jamais eu autant d’étudiants qui étaient aussi durs de comprenure. Je suis épuisé. L’an prochain, je serai prêt à prendre n’importe quelle autre job, même vidangeur (éboueur).
Nous utilisons aussi dur de comprenure pour montrer notre exaspération devant l’entêtement de quelqu’un à ne pas vouloir changer d’idée, à continuer à nier l’évidence.
— Mais t’es donc ben dur de comprenure ! Je perds mon temps à essayer de discuter avec toi.
7 — À cause tu fais simple de même ?
L’expression très imagée à cause tu fais simple de même est la combinaison de trois tournures québécoises :
- à cause, synonyme de « pourquoi » ;
- faire simple, synonyme d’« agir stupidement », « manquer de profondeur ou d’intelligence » ;
- de même, qui veut dire « ainsi, de cette façon ».
L’expression complète, à cause tu fais simple de même, peut être interprétée comme une question rhétorique exprimant l’exaspération devant la bêtise persistante d’un individu.
— T’as roulé sur l’autoroute en plein mois de janvier avec tes pneus d’été ! Tu peux bien avoir scrappé (abîmé) ton char (voiture). T’aurais pu te tuer. Non, mais, à cause tu fais simple de même ?
— Tu es allé prendre un verre avant de passer ton entrevue d’embauche ! Mais à cause tu fais simple de même ?
Pour en apprendre plus sur cette expression et sur le groupe Les Colocs qui l’a popularisée, consultez l’article À cause tu fais simple de même ?
8 — Un peu niaiseux
Le mot niaiseux est synonyme de « crétin, imbécile, niais ». À noter que l’usage du mot niaiseux est très fréquent au Québec, alors que son équivalent, niais, est très rarement utilisé.
Niaiseux peut être un nom ou un adjectif. Par exemple : le niaiseux m’a posé une question stupide ; l’épais m’a posé une question niaiseuse.
— Jules est très beau, et c’est triste à dire, mais il est aussi un peu niaiseux. En fait, il est pas mal niaiseux.
— Je me rappelle de mes jeunes années. Je me croyais brillant, alors que j’étais vraiment niaiseux.
Pour être moins niaiseux (ignorant) sur ce mot québécois, nous vous invitons à consulter l’article Niaiseux, niaisage et autres niaiseries québécoises.
9 — Sans dessein
En français standard, la locution sans dessein désigne une action dépourvue de but ou d’objectif précis. Cependant, au Québec, sans dessein a acquis une connotation péjorative et sert à qualifier une personne dénuée d’intelligence ou de discernement, assimilée à un idiot. Par conséquent, dans le contexte québécois, l’expression agir en sans dessein implique une critique du comportement d’un individu, le qualifiant d’imprudent, de maladroit ou de stupide.

— Il faut vraiment être sans dessein pour réparer un flat (une crevaison) avec de la gomme balloune (chewing gum) et penser que ça va durer !
— Un sans dessein fait plus de naiseries en une journée qu’une personne moyenne en un an.
10 — Le toton par excellence
Le terme toton a plusieurs significations, dont celui de « nigaud » ou « idiot ».
— Non mais, quel crisse de toton ! Mon avocat s’est présenté en cours avec les mauvais documents. Même les avocats de la partie adverse avaient de la peine pour moi. Et je le paye 300 dollars de l’heure. Dans le fond, c’est peut-être moi le toton ?
Le mot toton peut aussi désigner un sein. Ainsi la phrase « voir deux gros totons » n’est pas toujours synonyme de « voir une paire de totons ».
11 — Il n’a pas inventé le bouton à quatre trous
L’expression québécoise il n’a pas inventé le bouton à quatre trous signifie « il n’est pas très intelligent, il n’est pas débrouillard, il est empoté ». Cette expression est similaire à l’expression française ne pas avoir inventé le fil à couper le beurre, qui est fort peu utilisée au Québec.
— Jules est aussi fort qu’il est stupide. C’est pas lui qui a inventé le bouton à quatre trous.
— Disons que pour rester poli, je vais simplement dire que ce n’est pas lui qui a inventé le bouton à quatre trous.
Comme synonyme pour désigner une personne peu intelligente, maladroite ou manquant d’initiative, les Québécois utilisent parfois l’expressions « les lumières sont allumées, mais il n’y a personne à la maison », qui est la traduction littérale de l’expression anglaise the lights are on but no one’s home.
12 — Un twit déconcertant
Un twit n’est pas un tweet même si certains adeptes des tweets sont pas mal twits. Ce mot, qui est un emprunt de l’anglais twit, se traduit par « crétin, idiot ». Twit peut être utilisé autant comme nom que comme adjectif.
— T’es donc ben twit ! T’as signé le contrat sans le lire ? Mon ami, t’es vraiment dans la chnoute (crotte).
Le mot twit est souvent combiné avec le verbe faire.
— Si tu continues de faire le twit comme ça, je te flanque en retenue.
13 — Un cave sans fond
Le terme québécois cave désigne péjorativement une personne dépourvue d’intelligence ou de discernement, souvent associée à un manque de réflexion ou de bon sens. Cette expression est équivalente à l’insulte française andouille.
— On passe pour des caves parce qu’on n’est pas allés dans les bonnes écoles. Pourtant, c’est toujours nous autres qui faisons tout le travail.
— J’ai engagé une bande de caves pour rénover mon sous-sol. Ça doit être la même équipe qui répare le tunnel Louis-Hippolyte-la-Fontaine.
L’expression avoir de l’eau dans sa cave décrit une personne qui porte des pantalons trop courts. Donc, avoir de l’eau dans sa cave donne un petit air cave.
14 — Un pas d’allure ou un sans allure
La locution pas d’allure sert à désigner un personnage insignifiant, un idiot irresponsable, un individu dénué de charme, de prestance ou de caractère.
— Il s’est retrouvé en prison avec sa gang (bande) de pas d’allure. Ils roulaient dans une voiture qui n’était pas immatriculée et personne n’avait de permis de conduire valide.
– Ça me semble évident que c’est un pas d’allure. Comment as-tu pu lui faire confiance ?
15 — Le Newfie, fierté du Canada
Le terme newfie est un terme péjoratif utilisé pour désigner les habitants de la province canadienne de Terre-Neuve-et-Labrador, Newfoundland en anglais. Ce terme, synonyme de « personne sotte ou idiote », est employé par les Québécois et aussi par les anglophones du reste du Canada, à l’exception des Terre-Neuviens eux-mêmes.
Le Newfie se retrouve au centre de nombreuses blagues où l’acteur principal est un idiot. Cependant, l’utilisation de ce terme offensant tend à diminuer avec le temps, notamment en raison de la sensibilisation croissante aux questions de discrimination et de respect des différences culturelles.
16— Bande de gnochons
Le terme gnochon, également orthographié niochon, désigne une personne dépourvue d’intelligence ou de discernement, souvent associée à la bêtise, à la naïveté ou à l’imbécilité.
Cette expression existe également au féminin sous la forme gnochonne ou niochonne. La nuance entre les deux graphies est minime et dépend souvent des préférences régionales ou individuelles.
— Mon médecin me stresse. Il répond toujours à côté de mes questions. Un vrai gnochon. Et dire qu’il a ma vie entre ses mains !
— Pourquoi est-ce qu’il faut toujours que je m’assoie à côté d’un niochon dans l’avion ?
17 — C’est pas une 100 watts
L’expression québécoise c’est pas une 100 watts sert à décrire quelqu’un que n’est pas intelligent, qui est loin d’être brillant, qui n’est pas une lumière. « Une cent watts », c’est une ampoule électrique connue pour sa forte luminosité. L’emploi du déterminant féminin une devant 100 watts est donc justifié par l’ellipse du mot ampoule, sous-entendu dans l’expression.
— Le dernier électricien que j’ai passé en entrevue, c’était vraiment pas une 100 watts.
— Jules, c’est vraiment pas une 100 watts, mais il fait toujours ce qu’on lui demande.
18 — Un beau grand tata
Au Québec, le mot tata présente une particularité linguistique intéressante, celle d’être utilisé au masculin, car tata n’est pas la tante de quelqu’un, mais désigne une personne stupide ou simple d’esprit. L’emploi de tata comme synonyme de « tante » est très peu répandu au Québec, contrairement à son utilisation fréquente comme insulte.
— J’avais prédit que le marché immobilier allait s’écrouler à Montréal après la COVID. Avec le boom immobilier que nous connaissons depuis, j’ai l’air d’un beau tata.
Dans un registre enfantin, tata, dérivé de l’anglais britannique tata, décrit un geste de la mains ou une parole qu’on emploie pour saluer quelqu’un : faire des tatas.
— Regarde, le gros tata me fait des grands tatas.
19 — Tu parles d’un taouin !
Ne vous méprenez pas, malgré sa sonorité amusante, le mot taouin est en réalité une insulte. On dit à quelqu’un qu’il est taouin lorsque l’on veut le traiter d’idiot, d’imbécile, d’incapable, d’irresponsable.
— C’est qui le taouin qui a placé les œufs dans le fond du sac d’épicerie ?
— Je suis rendu (devenu) trop vieux pour continuer à perdre mon temps avec des taouins. Allez, dégagez !
Le verbe tataouiner qui signifie « hésiter longuement avant de prendre une décision » lui est apparenté. Cette similitude phonétique et sémantique suggère une étymologie commune, reliant les deux mots à l’idée de lenteur d’esprit ou de manque de discernement.
Étymologie du mot taouin : troncation de (ta)taouiner ; d’une langue d’oïl tatouiller, ‘faire de petits mouvements alternatifs’, et tatiner, ‘faire de petits mouvements alternatifs’.Dictionnaire historique d’Antidote
20 — C’est pas le pogo le plus dégelé de la boîte
Pour bien comprendre cette expression, il faut savoir qu’un pogo est une saucisse enrobée de pâte frite et montée sur bâtonnet de bois.
En 2017, la députée québécoise Manon Massé a créé le néologisme percutant c’est pas le pogo le plus dégelé de la boîte pour critiquer le budget du gouvernement libéral de l’époque. Elle avait dit :
« Ça prend pas le pogo le plus dégelé de la boîte pour comprendre qu’après avoir mis le feu à la bâtisse, c’est pas un petit coup de peinture et des rideaux neufs qui vont changer la situation. »
Les médias se sont enflammés pour cette image aussi amusante que déroutante et l’ont reprise abondamment. Depuis, elle a été adoptée par la population en général pour décrire toute une personne qui manque d’intelligence, de perspicacité ou de bon sens. Elles suggèrent que l’individu en question n’est pas le plus vif ou le plus apte à comprendre les situations complexes.
La locution c’est pas le pogo le plus dégelé de la boîte est l’équivalent de l’expression française ce n’est pas une flèche. Elle correspond aussi à l’expression anglaise he is not the sharpest knife/pencil in the drawer/box, qui se traduit en français par « ce n’est pas le couteau le plus aiguisé du tiroir » ou « ce n’est pas le crayon le plus aiguisé de la boîte ». Ces traductions sont aussi utilisées au Québec.
21 — Un vrai cabochon
Nous utilisons le terme cabochon pour décrire une personne stupide, incompétente.

– À Noël, un cabochon m’est rentré dedans (m’a heurté) en char (voiture). Il n’avait pas ses pneus d’hiver. Il n’avait pas non plus d’assurances ni de permis de conduire valides. Il me suppliait en pleurant de ne pas appeler la police.
Dans le langage familier québécois, l’expression travailler en cabochon est utilisée pour décrire un travail mal fait, bâclé ou négligé. Elle suggère un manque de soin, de rigueur ou de compétence dans l’exécution de la tâche.
L’expression travail de cabochon est également employée pour qualifier un travail de mauvaise qualité, présentant des défauts ou des imperfections. Elle souligne le caractère insatisfaisant du résultat obtenu.
— Jules a travaillé en cabochon et après il a été surpris de perdre son emploi.
22 — Un vrai codinde
Le terme codinde est un régionalisme québécois utilisé de manière péjorative pour désigner une personne stupide, naïve ou simple d’esprit. Il est synonyme de « imbécile, idiot ou dindon de la farce (dupe) ».
Ce terme serait dérivé du mot coq d’Inde, qui désigne le dindon mâle. L’origine exacte de cette association péjorative n’est pas claire, mais elle pourrait être liée à la perception du dindon comme un animal peu intelligent ou facilement manipulable.
— Au bureau des passeports, on a attendu en ligne (en file) comme des codindes pendant six heures sous la pluie avant de nous faire dire de retourner à la maison.
— Mon entrepreneur en construction me sort une nouvelle excuse chaque jour. Il me prend vraiment pour un codinde.