Les mots des maux au Québec
Les maladies sont identiques de chaque côté de l’Atlantique. Toutefois, les mots pour les désigner varient parfois selon notre origine géographique.
Venez découvrir comment les Québécois nomment les petits et les grands maux physiques.
Pour bien comprendre le texte de l’illustration ci-dessus, il faut savoir que les Québécois donnent souvent au verbe français filer le sens du verbe anglais to feel. Il devient alors synonyme de « je sens », « j’éprouve », « je ressens ».
Au verbe franglais ne pas filer, on accole parfois pantoute, un adverbe 100 % québécois. Pantoute est synonyme de « pas du tout, du tout, aucunement ». (Voir l’article Pantoute, l’adverbe qui amuse et qui déroute.)
Je ne file pas pantoute signifie donc « je vais très mal », « je ne me sens vraiment pas bien ».
La locution prendre une brosse signifie « s’enivrer, prendre une cuite, partir sur une balloune ».
Avoir un mal de bloc ou avoir mal au bloc, c’est souffrir d’un mal de tête. Mais ce n’est pas seulement la conséquence désagréable d’un excès d’alcool ou, comme on dit au Québec, d’un lendemain de veille (jour suivant une cuite). Tout mal de tête peut s’appeler « mal de bloc ».
La différence entre mal de tête et malade dans la tête
Au Québec, si quelqu’un est malade dans la tête (prononcé « malade dans’ tête »), il n’a pas une migraine ni un mal de bloc, mais il est fou, dérangé, barjot.
Exemples :
— T’es malade dans’ tête ou quoi ? Qu’est-ce qui t’as pris d’enfermer le chien dans l’auto en pleine canicule ?
— Je me suis fait dépasser par des malades dans la tête qui roulaient à plus de 185 km/h.
Pogner le flux
Le mot flux porte à confusion à cause de sa proximité avec le mon anglais flu, qui se traduit par « grippe ». Le québécois anglophone qui a le flu souffre de la grippe, alors que le Québécois francophone qui a le flux souffre de la diarrhée. Le flux québécois ressemble donc au stomach flu anglais, qui est une gastroentérite.
Exemples :
— Je ne savais pas que la COVID pouvait donner le flux. Maintenant, je le sais…
— Depuis que j’ai des enfants à la maternelle, j’ai le flux six mois par année.
Le va-vite
Au Québec, comme dans le reste de la francophonie, faire quelque chose à la va-vite veut dire « faire quelque chose trop rapidement, de façon bâclée ». Mais va-vite signifie aussi « avoir la diarrhée ». Dans ce contexte, le mot va-vite est habituellement employé au masculin.
Exemples :
— Je digère mal en vacances. J’ai été constipé tout le long du voyage, et puis j’ai eu le va-vite dans l’avion au retour.
— Le matin de mon mariage, j’ai pris de l’Imodium pour m’assurer de ne pas avoir le va-vite. On n’est jamais trop prudent.
Avoir la picote
La picote québécoise est la varicelle francophone. Les deux termes sont employés au Québec. Toutefois, picote est d’un registre familier.
Exemples :
— Quand j’avais 8 ans, j’ai manqué l’école un mois à cause de la picote. Mon plus beau mois de l’année !
— J’ai attrapé la picote à 42 ans : trois jours aux soins intensifs. J’ai pensé mourir. (J’ai pensé que j’allais mourir, j’ai eu peur d’en mourir.)
Attraper son coup de mort
Ce n’est pas que les Québécois soient flegmes en réagissant si peu lorsqu’on leur dit qu’ils vont attraper leur coup de mort, c’est simplement que coup de mort signifie « tomber gravement malade après un refroidissement ». Le coup de mort est associé au rhume ou à la grippe, et non pas à la fin de la vie.
Exemples :
— Mets ta tuque (bonnet) et ton foulard sinon tu vas attraper ton coup de mort.
— J’ai eu une crevaison sur le bord de la 20 (autoroute 20). Il faisait -30 °C et j’étais en souliers de course (baskets). J’étais certain que j’allais pogner mon coup de mort.
Dans la langue parlée, on utilise souvent le verbe pogner avec la locution coup de mort. Pogner est un verbe employé à toutes les sauces qui présente une dizaine de sens, dont « attraper, prendre, saisir ».
Nous vous invitons à consulter notre article sur les nombreuses significations de pogner pour découvrir ce verbe important de la langue parlée du Québec.
J’ai un feu sauvage
Au Québec, nous appelons feu sauvage l’herpès buccal ou l’herpès labial, deux termes rarement utilisés de notre côté de l’Atlantique.
La locution feu sauvage est si courante qu’elle est employée dans les communications écrites. Par exemple, elle apparaît dans le titre d’un article de Protégez-Vous, un magazine réputé qui offre des conseils de consommation aux Québécois.
Exemples :
— Environ 80 % de la population va avoir un feu sauvage au cours de sa vie.
— Sur la photo de mon passeport, mon feu sauvage saute aux yeux. Je ne peux pas croire que je vais me promener partout dans le monde pendant 10 ans en montrant fièrement un feu sauvage !
Être raqué
La locution être raqué signifie « être courbaturé, éreinté, après un effort ou un entraînement ». Ce mot très courant de la langue parlée est probablement une déformation de l’anglais to wreck, qui se traduit par « faire naufrage, détruire, saccager ».
Exemples :
— Je vieillis. Je fais juste passer la balayeuse (l’aspirateur) et le lendemain je suis raqué.
— J’ai arrêté de m’entraîner. Après une seule séance d’entraînement, j’ai été raqué pendant une semaine. Je ne pouvais même plus attacher mes souliers (chaussures) !
Être pris du cœur
Quelqu’un qui est pris du cœur souffre de problèmes cardiaques. Cette expression, autrefois courante, est plus rare de nos jours.
Exemples :
— Mon grand-père est pris du cœur depuis qu’il a 40 ans. Ça ne l’a pas empêché de fêter ses 100 ans le mois dernier.
— Je dois me résigner à vendre ma grande maison centenaire. Je suis pris du cœur et je n’ai plus la force de l’entretenir.
Lorsqu’on est pris du cœur, on peut faire une crise de cœur. Cette locution est synonyme de « crise cardiaque » ou « infarctus ». Notez qu’aujourd’hui, infarctus et crise cardiaque sont beaucoup plus fréquents que crise de cœur.
Être sur les pilules
Au Québec, comme en France, l’expression « prendre la pilule » (sans autre descriptif) signifie « prendre la pilule contraceptive ».
En revanche, la locution québécoise être sur les pilules veut dire « suivre un traitement médicamenteux sous forme de comprimés, de cachets, habituellement pour des troubles de l’humeur, comme la dépression ou une maladie psychiatrique.
Exemples :
— Au travail, personne ne s’est jamais douté que j’étais sur les pilules. Pour éviter d’être ostracisé, j’ai gardé ça secret.
— Depuis que je suis sur les pilules, j’ai engraissé de 10 kilos. Mais ça vaut le coup. Je ne vois pas encore la vie en rose, mais je ne la vois plus en noir.
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