La cabane à sucre
La traditionnelle sortie à la cabane à sucre est pour certains une expérience qui tient presque du pèlerinage.
Le menu y est souvent très simple : bacon à l’érable, bines à l’érable, crêpes à l’érable, jambon à l’érable, œufs cuits dans le sirop d’érable et les fameuses oreilles de Christ. Et comme digestif, dégustation de tire d’érable sur neige.
Et cette expérience gustative est aussi une occasion de découvrir des mots, des locutions et des expressions très sucrés.
La cabane à sucre
Qu’est-ce qu’une cabane à sucre ?
Une cabane à sucre n’est pas la version sucrée de la maison en pain d’épices de Hansel et Gretel. La cabane à sucre est un bâtiment destiné à la fabrication du sirop d’érable et où l’on sert des mets traditionnels du Québec.
On retrouve la cabane à sucre dans une érablière, mot construit avec érable et le suffixe –ière, sur le modèle français de sapinière. L’érablière désigne un peuplement d’érables à sucre exploité pour l’industrie des produits de l’érable (sirop, sucre, etc.).
Exemples :
— Chaque année, toute la famille se réunit à la cabane à sucre. Chaque année, je fais une crise de foie. Un jour, je vais comprendre que mon corps n’est plus capable de digérer ces repas de bûcherons.
— Cette année, ils ont fait jouer du hip-hop à la cabane à sucre. Même là, les traditions se perdent.
L’érable à sucre
Il existe plusieurs variétés d’érables, mais c’est l’érable à sucre (acer saccharum) avec sa sève sucrée et très claire qui est cultivé pour la production de sirop.
La sève de l’érable de Norvège, aussi appelé érable plane, est beaucoup plus laiteuse. Quant à la sève de l’érable rouge, elle peut aussi être utilisée pour la production du sirop d’érable. Toutefois, elle est beaucoup plus pauvre en sucre que celle de l’érable à sucre. Le sirop de l’érable rouge est plus foncé, avec une teinte rougeâtre.
Exemple :
— Mon voisin, qui vient de la ville, a entaillé des frênes… Je l’ai laissé faire. Je ne me mêle pas des affaires des autres. Je me contente de les juger.
Le temps des sucres
Le temps des sucres arrive au printemps, lorsque la sève (qu’on appelle « eau d’érable ») commence à monter dans les érables à sucre. On retrouve cette espèce d’érable au bois blanc et très dur dans le sud du Québec. Cet arbre fournit une sève sucrée avec laquelle on fabrique différents produits, comme le sirop, la tire et le beurre d’érable.
Exemples :
— Le temps des sucres se termine bientôt. Il faut se préparer au temps des impôts. C’est moins le fun (amusant).
— Mon grand-père me disait chaque printemps : « Je me souviens que dans mon enfance, le temps des sucres arrivait souvent en même temps que le carême. C’était frustrant. »
— Le temps des sucres est le meilleur moment de l’année ! Ce n’est pas que j’aime le sucre, c’est que je déteste l’hiver.
L’origine des cabanes à sucre
C’est au début du 19e siècle que les premières cabanes à sucre, comme nous les connaissons aujourd’hui, sont apparues dans le paysage québécois. Le côté rassembleur de la récolte d’eau d’érable aurait naturellement donné naissance aux repas collectifs et festifs. Depuis, la tradition se poursuit.
Le mot acériculture désigne la culture de l’érable à sucre dans le but d’en extraire la sève, qui servira ensuite à la production du sirop, de la tire, du beurre et du sucre d’érable.
Saviez-vous qu’il faut de 30 à 40 litres d’eau d’érable (sève) pour produire un seul litre de sirop d’érable ? L’eau d’érable doit être chauffée jusqu’à son point d’ébullition (104 °C), puis laissée à réduire jusqu’à l’obtention de la consistance souhaitée.
De la ben bonne tire
La tire d’érable est une spécialité québécoise qui consiste à étendre du sirop d’érable chauffé sur un lit de neige bien propre.
Le contact entre le sirop chaud et la neige froide fait durcir le sirop pour lui donner la texture de la tire, un délice mou qui colle aux dents. On enroule ensuite la tire sur un petit bâton, pour créer de façon artisanale notre propre suçon (sucette).
La tire est aussi une sucrerie de consistance molle fabriquée avec de la mélasse, de la cassonade ou du sirop d’érable. La tire Sainte-Catherine est traditionnellement préparée le 25 novembre, lors de la fête de la Sainte-Catherine, et enveloppée dans une papillote.
Une bibitte à sucre
Le mot bibitte (bébitte, bébite, ou bebite) signifie « insecte », mais la locution bibitte à sucre désigne une personne qui aime le sucre.
Exemples :
— Mon petit garçon est une vraie bibitte à sucre. Ses yeux s’allument quand il voit du sucre d’érable.
— En vieillissant, c’est difficile de garder sa taille de jeunesse. Surtout quand on est une bibitte à sucre.
— La crèmerie au coin de la rue attire toutes les bibittes à sucre du quartier.
Au Québec, une crèmerie est un commerce où l’on sert des produits dérivés du lait prêts à être consommés, comme les cornets de crème glacée (appelés « glaces » en France).
Nous vous invitons à consulter l’article Bébitte ou maringouin ? pour découvrir le mot bibitte.
La différence entre avoir le bec sucré et se sucrer le bec
L’expression se sucrer le bec veut dire « manger des sucreries, des mets sucrés », tandis qu’avoir le bec sucré signifie « aimer le sucre ».
Exemples :
— On a bien le droit de se sucrer le bec de temps à autre. On a juste une vie après tout.
— La tarte aux amandes est prête. Venez vous sucrer le bec.
— J’ai toujours eu le bec sucré, mais depuis quelques années, je ne contrôle plus mes fringales !
De bien bonnes bines
Le mot bine confond de nombreux Français. Ce mot si courant illustre bien l’omniprésence de l’anglais dans la langue quotidienne des Canadiens français. Le mot bine est une déformation du mot anglais bean qui se traduit par « fèves » ou « haricot ».
Malgré son origine anglophone, bine se prononce à la française comme pine… Un autre mot qui porte à confusion, car au Québec, pine, adaptation de l’anglais pin, est synonyme d’« épingle » (et non pas de « pénis », comme en France).
Veuillez noter que nous mangeons des bines, mais nous ne les faisons pas pousser. Le mot bine désigne un mets, pas une plante. Nous faisons donc pousser des fèves ou des haricots, que nous cuisinons parfois pour en faire des bines.
Exemples :
— Dans le film Rock’n Roll, j’ai entendu Marion Cotillard dire « je vais aller faire pousser des bines ». J’apprécie l’effort, mais là, elle était dans le champ (elle était à l’ouest).
— Cette année, j’ai fait attention à ma diète : j’ai enlevé les morceaux de lard dans les bines.
Nous vous invitons à consulter l’article Les fameuses bines québécoises pour découvrir les autres sens de bine, qui ne signifie pas toujours « fève ».
Le sirop de poteau
Le sirop de poteau est un sirop industriel, généralement fabriqué à base de maïs. C’est un succédané du sirop d’érable.
Exemples :
— Je suis très déçu de cette cabane à sucre. Ils nous ont servi du sirop de poteau.
— Je sais que je vais dire une abomination, mais j’aime mieux le sirop de poteau que le sirop d’érable. Je sais, pour un Québécois, c’est honteux.
Le beurre d’érable
Bonne nouvelle pour ceux qui suivent une diète, le beurre d’érable ne contient pas de matières grasses, seulement du sucre d’érable.
Le beurre d’érable est une pâte semi-solide qui sert à tartiner ou comme glaçage. Au Québec, le glaçage est une préparation crémeuse et sucrée dont on recouvre les gâteaux.
Exemples :
— Sur mes toasts (rôties), je mets une couche de beurre, et ensuite une couche de beurre d’érable. Quel délice !
— J’ai découvert que j’avais la COVID quand mon sucre d’érable n’avait plus de goût. Quelle tristesse !
Le pouding chômeur
Aller à la cabane à sucre, c’est parfois l’occasion de déguster le fameux pouding chômeur.
Le pouding chômeur (et non le « pouding aux chômeurs ») est une pâte à gâteau que l’on fait cuire sur une base de sirop d’érable ou de cassonade (aussi appelé « sucre brun »).
Le « poudzing »
Le mot pouding est un bel exemple de ce que les linguistes appellent l’affrication :
Fait, pour une consonne, de commencer par une occlusion et de se terminer par une constriction. L’affrication du t devant i et u en français québécois.Dictionnaire d’Antidote
Dans le cas du mot pouding, de nombreux Québécois prononcent « poud–z-igne », comme ils disent « lund-z-i, mard-z-i », etc.
Exemples :
— L’ingrédient magique pour réussir son pouding chômeur et son pouding au pain, c’est le sirop d’érable.
— J’aime tellement le pouding chômeur que pour moi, c’est un plat de riche.
Les surprenantes oreilles de Christ
Pour terminer, nous nous penchons sur les oreilles de Christ, que l’on prononce « oreilles de crisse ». Nous dégustons principalement cette spécialité culinaire québécoise dans les cabanes à sucre, rarement ailleurs. C’est un mets traditionnel à diffusion limitée constitué de couennes de lard sautées ou frites et servies sous forme de croustilles épaisses.
Exemples :
— Mon adaptation au Québec s’est faite assez facilement. Je suis passé des fritons aux oreilles de crisse sans trop de problèmes.
— Dimanche, j’ai fait une entorse à ma diète. Je me suis bourré la face de jambon, d’omelettes, de fèves au lard et surtout d’oreilles de crisse. C’est décidé. Aujourd’hui, euh non, demain, je me remets au jogging.
— Il faut avertir les touristes de manger les oreilles de crisse lentement. Les morceaux de couenne durcis ont brisé quelques dents.
Pour découvrir d’autres expressions québécoises formées avec le mot oreille, n’hésitez pas à lire l’article Les oreilles dans la langue québécoise.
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