Je dis en québécois, tu dis en français : chars, automobiles
Ce texte à quatre mains a été écrit par Vincent Guérineau de la France et de Patrice Hudon du Québec.
Est-ce que vous chauffez des chars en France?
Vincent Chauffer des chars? Attends voir que je réfléchisse… je ne crois pas.
Patrice Au Québec, chauffer c’est aussi conduire. « Il chauffe toujours trop vite ». « Il chauffe mal ».
Vincent Et le char, est-ce le blindé avec des chenilles qui passe dans la boue?
Patrice Pas exactement : char, c’est un des synonymes d’«automobile».
Vincent Ah d’accord! Donc oui : nous conduisons des automobiles en France, ou nous les chauffons, comme vous dites.
Devine le sens de « Il conduit une minoune ».
Vincent Improvisation totale : cela veut dire qu’il conduit très lentement?
Patrice Pas du tout, le mot minoune a plusieurs significations. Minoune peut être un terme affectueux : « Je t’aime, ma minoune »; une chatte, « Ma minoune a eu 8 petits »; ou une vieille voiture, « J’ai la même minoune depuis 12 ans. »
Vincent OK! En France, pour désigner une vieille voiture qui est en mauvais état, nous utilisons tacot, par exemple le truculent dépréciatif « C’est quoi ce tacot? »
Patrice Tacot est aussi utilisé au Québec.
Connais-tu la locution « Il a le pied pesant »?
Vincent C’est quelqu’un qui appuie sur le champignon, non? Quelqu’un qui écrase la pédale d’accélérateur!
Patrice Oui : au Québec avoir le pied pesant est effectivement synonyme de « conduire vite, d’appuyer sur l’accélérateur ».
Vincent En parlant d’appuyer sur le champignon, savais-tu que l’expression venait de la forme caractéristique de l’accélérateur de l’époque (une tige métallique surmontée d’une boule)?
Patrice Non, je l’ignorais. Mais ça ne me surprend pas, car en France vous avez un amour particulier pour les champignons. Et je comprends maintenant pourquoi nous utilisons aussi la locution peser sur la suce, car le mot suce au Québec est aussi synonyme de « tétine pour bébé », donc presque la même forme qu’un champignon.
Vincent Et pour désigner quelqu’un qui « a le pied lourd », dans le sud de la France, nous utiliserons volontiers le terme calu, comme dans « Mais il est calu, ce type! » À noter que calu signifie « fou, dérangé, dangereusement imprudent ».
Est-ce que tu veux embarquer avec moi?
Vincent J’adore les croisières! Mais où allons-nous?
Patrice Ce n’est pas tout à fait ce que tu penses! Les Québécois ont longtemps voyagé sur le fleuve Saint-Laurent. Ce cours d’eau a été pendant des siècles la seule autoroute de la province. Notre vocabulaire maritime s’est donc naturellement transmis à celui de l’automobile : on embarque et on débarque de la voiture.
Nous embarquons aussi dans un film, dans une histoire, c’est-à-dire que nous nous laissons prendre au jeu, que nous avons été captivés. « Je n’ai pas embarqué dans le dernier Batman ». « Je ne peux pas croire que je me suis laissé embarquer dans son histoire. Je peux être tellement naïf des fois! »
Vincent Bien moi, j’ai embarqué dans tes explications sur les expressions québécoises.
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