Ça prend tout mon petit change
Pour bien comprendre le mot change et l’expression prendre tout mon petit change, il faut savoir que les Québécois ont donné au mot change le sens anglais de « monnaie ». Cet usage qui écorche l’oreille de certains est très répandu dans la langue parlée. Ce double sens, anglais et français, peut facilement confondre les Européens.
— Monsieur, auriez-vous un peu de change pour m’aider, s’il vous plaît ? demande un mendiant.
— J’oublie toujours mon petit change dans les poches de mes pantalons avant de les laver.
— Jules est tellement paresseux qu’il ne se penche jamais pour ramasser le petit change qu’il laisse tomber à terre.
Le petit change, c’est donc de la menue monnaie, des pièces de monnaie.
Ça prend tout mon petit change
Quant à l’expression ça prend tout mon petit change, ou son équivalent avoir besoin de tout son petit change, signifie « faire de très gros efforts, utiliser ses dernières ressources pour accomplir quelque chose ». C’est aller au bout de ses forces.
— Jules a dû prendre tout son petit change pour terminer sa formation de comptable.
— Quand je l’ai vu arriver avec son nouveau chapeau, ç’a pris tout mon petit change pour ne pas éclater de rire.
— Je vais avoir besoin de tout mon petit change pour recommencer à lui parler après la façon dont il s’est comporté pendant notre divorce. Mais je dois faire passer les enfants en premier.
Donner son petit change à un robineux
Donner son petit change à un robineux, c’est donner de la monnaie à un mendiant.
Au Québec, dans un registre très familier et péjoratif, nous utilisons le terme robineux à la place de sans-abri, clochard ou mendiant alcoolique. Robineux est né d’une déformation de l’anglais rubbing alcohol (alcool à friction).
— Je ne sais jamais quoi faire quand je croise un robineux couché dans le métro. Est-ce qu’il fait une crise cardiaque ou est-il en train de cuver son vin ?
—Je suis content que les robineux puissent se réchauffer à la bibliothèque nationale, mais je dois aussi admettre que ça m’embête.
— Je suis toujours surpris de constater le nombre élevé de robineux qu’on croise dans le centre des grandes villes.
Au Québec, nous n’utilisons à peu près jamais la locution sans domicile fixe (SDF) pour ºdésigner les sans-abri.
Sentir la robine
Le mot robineux se décline aussi sous le diminutif de robine.
— Si tu continues en t’enivrer à la moindre contrariété, tu vas finir dans la rue comme les robines.
— Depuis que sa femme l’a quitté, Jules ressemble à une vraie robine.
Le mot robine est aussi utilisé pour désigner l’alcool frelaté ou de fabrication clandestine. C’est encore un mot qui doit sa création à une déformation du rubbing alcool anglais.
— Mes voisins se sont intoxiqués en buvant de la robine au mariage de leur nièce.
— Je me tiens loin de la robine. Je n’ai plus le foie assez solide. Les années passent, mais la cirrhose reste.
On peut donc sentir la robine, c’est-à-dire « empester l’alcool ».
— En revenant de son lunch, Jules sentait la robine à cinq mètres. Je suis certain que le patron l’a aussi remarqué.
— Il est entré à sa réunion de AA en sentant la robine.
— Ce n’est pas parce qu’on mâche de la gomme (chewing-gum) qu’on ne sent plus la robine.