Bébitte ou maringouin ?
L’été nous apporte le beau temps, mais aussi, malheureusement, des bébittes et des maringouins.
Le mot bébitte et ses variantes bibitte, bébite, bebite désignent tous les insectes et parfois des bestioles.
Exemples :
— Cette nuit, j’ai oublié de fermer le moustiquaire. Des milliers de bébittes sont entrées dans la maison. (À noter qu’au Québec, moustiquaire est presque toujours employé au masculin, alors que dans le reste de la francophonie, ce mot est plutôt féminin.)
— Le chalet n’avait pas été habité depuis deux ans. Plein de petites bébittes en ont profité pour s’y installer à demeure. Ça grouillait de partout quand j’y suis entré. C’était dégoûtant. (Le mot chalet désigne une maison de campagne.)
— C’est terminé, la bonne bouffe en camping ! Ça n’a pas pris deux minutes que mon steak était couvert de bébittes. Je l’ai jeté aux poubelles. Je n’ai même pas osé le donner au chien.

Les maringouins
Au Québec, nous nommons maringouin les moustiques piqueurs.
Malgré sa sonorité amusante, le mot maringouin est loin d’être un terme affectueux. Au contraire, nous détestons les maringouins et leurs piqûres.

Exemples :
— Je déteste les maringouins, mais eux m’aiment beaucoup. Ils me suivent partout où je vais.
— C’est la dernière fois que je fais du camping. J’ai passé la nuit à écraser des maringouins. Je vais avoir besoin d’une transfusion sanguine.
— Allez, faisons un feu de camp pour éloigner les maringouins. On va peut-être attirer des loups, mais selon moi, c’est un moindre mal.

L’origine mystérieuse de maringouin
Le mot maringouin n’est pas à proprement parler un québécisme, car il serait originaire d’Amérique du Sud, à l’époque où les explorateurs français sillonnaient les trois Amériques.
Le Dictionnaire de Trévoux (1743), écrit à propos du maringouin : « C’est ainsi qu’on appelle dans les îles d’Amérique une espèce de petit insecte qu’on appelle cousin en France… Les peuples du Brésil appellent en leur langue cet insecte maringouy, d’où est venu le nom maringouin ».
Cet extrait, du Dictionnaire de Trévoux (1743), que l’on trouve dans la publication Les animaux du Canada en 1664, la faune indigène à la page 38, est accessible en ligne à la Bibliothèque nationale du Québec.
Dans Histoire des mots, des pays de maringouins, aussi disponible en ligne à la Bibliothèque nationale du Québec, Steve Canac-Marquis explique : « Disons tout de suite que maringouin représente ce que les linguistes appellent un terme de relation (ou terme de voyages), c’est-à-dire un mot “que les voyageurs donnent comme employé dans les pays lointains qu’ils ont visités, et qui peut donner lieu à un emprunt”. »
Les bébittes à patate
Au Québec, nous avons aussi des bébittes à patate (de ce côté de l’Atlantique, les patates sont des pommes de terre). Ailleurs dans la francophonie, les bébittes à patate s’appellent doryphores ou coccinelles.
Et les connaisseurs auront remarqué que nous utilisons, à tort, bébitte à patate pour désigner autant les coccinelles que les doryphores de la pomme de terre, deux espèces d’insectes différentes.

Exemples :
— La bébitte à patate est l’ennemi juré des producteurs de pommes de terre. Elle est encore plus dangereuse que les banques pour la survie des fermes.
— Une seule bébitte à patate et sa progéniture peuvent détruire un plant de patates en moins de deux semaines.
Les bébittes à poil
Les chenilles du Québec portent le nom imagé de bébittes à poil. Cette locution sert aussi à désigner une personne étrange. Heureusement, le contexte permet de distinguer facilement l’un de l’autre.

Exemples :
— Je n’ai jamais vu autant de bébittes à poil que cette année. Un vrai fléau ! Les chênes ont perdu toutes leurs feuilles.
— As-tu vu la bébitte à poil qui s’est présentée à l’entrevue ? Selon moi, il ne s’est pas peigné depuis trois ans.
Les bébittes se faufilent dans nos expressions
Les bébittes se faufilent partout : aussi bien dans nos maisons que dans notre langue. On retrouve ainsi le mot bébitte et ses variantes dans plusieurs expressions québécoises. Dans certains contextes, ces bébittes langagières n’ont plus rien à voir avec les insectes.
L’adverbe en bébitte
L’expression en bébitte signifie « très, beaucoup » : c’est bon en bébitte ; il fait chaud en bébitte ; c’est cher en bébitte.
Exemple :
— Je trouve ça beau en bébitte des bébittes à patate.
L’expression être en bébitte
— Jules est en bébitte.
Cette expression ne veut pas dire que la personne s’est retrouvée dans le film La Mouche. Être en bibitte signifie « être en colère ». C’est un euphémisme pour exprimer la rage, la frustration, l’agressivité.
— Il était vraiment en bébitte quand il a appris qu’il n’aurait pas la promotion.
— J’étais en bébitte contre toi quand tu ne t’es pas présenté à notre rendez-vous.
L’expression chercher la bébitte
L’expression chercher la bébitte est synonyme de « chercher des poux, chercher la petite bête ».
— Mon patron n’est jamais satisfait, il cherche toujours des bébittes. Ça serait utile si nous étions une entreprise d’extermination, mais…
Des bébittes dans la tête
Le mot bébitte est parfois utilisé pour parler de problèmes psychologiques, de manies, d’obsessions. On dit d’une personne dérangée qu’elle a des bébittes dans la tête.
Exemples :
— Jules parle toujours de ses bébittes. C’est la seule chose qui l’intéresse. Il devrait aller consulter un psy, ça nous ferait tous un bien fou.
— Qui sommes-nous pour le juger ? On a tous nos bébittes.
Au Québec, l’expression avoir une araignée dans le plafond, pour décrire une personne qui a un comportement étrange, est très peu utilisée. On lui préfère avoir des bébittes dans la tête.
Une bébitte sympathique : la bébitte à sucre
Nous terminons avec une bébitte sympathique : la bébitte à sucre. Cette locution ne désigne pas un insecte ou une bestiole, mais une personne qui raffole des sucreries.
Exemples :
— Mon fils est une vraie bébitte à sucre. Il peut nous harceler pendant des heures, seulement pour avoir un deuxième morceau de gâteau.
— C’est un vrai défi pour les bébittes à sucre de ne pas engraisser au fil du temps.
— Les membres de ma belle-famille sont tous des bébittes à sucre. Ils nous proposent toujours quatre ou cinq desserts différents.
Pour terminer, venez vous amuser à la cabane à sucre, qui n’est pas la version sucrée de la maison de Hansel et Gretel, mais le bâtiment où se fabrique le sirop d’érable et où l’on sert les mets traditionnels du Québec. C’est le rendez-vous printanier de toutes les bébittes à sucre.
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