10 emplois québécois du mot fou

Le sens premier du mot fou est similaire des deux côtés de l’Atlantique. Un Québécois fou et un Français fou sont donc également dérangés.

Toutefois, le mot fou se retrouve dans plusieurs expressions québécoises dont le sens peut échapper aux Français. Ces expressions existent bel et bien, et ceux qui les utilisent ne sont pas des fous.

Nous vous invitons à explorer dix emplois québécois du mot fou.

Pour bien comprendre l’illustration ci-dessus, il faut savoir que Jules, le cousin français, mélange plusieurs expressions québécoises construites avec le mot fou. Et que la réponse de Jules, le cousin québécois, « être dans le champ », signifie « se tromper, être à l’ouest ». De plus, le mot wow, une interjection marquant l’étonnement ou l’admiration, est d’emploi très courant. Cependant, il faut préciser que wow est un anglicisme, et non un québécisme.

1 — Fou raide

Fou raide veut dire « complètement fou, fou à lier » ou « très excité ».

— Jules me fait parfois peur. Il suffit qu’une voiture le coupe sur la route pour qu’il devienne fou raide.

— À la première neige, mes élèves deviennent fous raides. Ce n’est plus le temps de leur expliquer les accords du participe passé. Ils ne vivent que le moment présent.

2 — Être fou comme un balai

Être fou comme un balai, c’est « être très excité, agité, fou de joie ».

— C’est Noël dans deux jours. Mes enfants sont fous comme des balais.

— Julie était folle comme un balai quand elle a su que Jules acceptait d’engager une femme de ménage.

L’origine de l’expression être fou comme un balai

Cette expression remonterait au 19e siècle, à l’époque où les balais étaient fabriqués à la main. Lorsqu’il était mal assemblé, le balai devenait difficile à manier, pour ne pas dire incontrôlable. Il semblait alors animé d’une volonté propre et imprévisible, comme s’il était devenu fou.

3 — Être fou comme de la marde

Être fou comme de la marde est synonyme de fou comme un balai, mais dans un registre plus cru, plus vulgaire. Cette expression signifie alors « ne pas tenir en place, être très excité, agité, foi de joie ». Mais fou comme de la marde peut aussi vouloir dire « être incontrôlable, complètement fou ». Il faut alors se fier au contexte pour déduire le bon sens, comme dans l’expression française agité du bocal, qui signifie « ne pas avoir toute sa raison, être nerveux, hyperactif ou être farfelu ».

— Quand Julie a vu Brad Pitt en personne, elle est devenue folle comme de la marde.

— Dès que Jules boit, il devient fou comme de la marde. Dans ces moments-là, il ne faut surtout pas le chercher.

Pour en savoir plus sur cette expression, nous vous invitons à lire l’article détaillé Le sens québécois d’être fou comme de la marde.

4 — Un fou dans une poche !

L’expressionun fou dans une poche est difficile à expliquer. Elle peut se traduit par « franchement, pour qui me prends-tu ? »

— Ben oui, je veux un dépôt (acompte). Tu ne crois quand même pas que je vais commencer les travaux à mes frais ! Un fou dans une poche !

Un fou dans une poche peut aussi vouloir dire « il va de soi que j’ai sauté sur l’occasion ».

— Ben oui, quand j’ai vu le prix qu’il demandait pour sa voiture, j’ai sauté sur l’occasion. Eille, un fou dans une poche !

L’origine de l’expression un fou dans une poche

Cette expression serait née sur le vieux continent. En effet, elle viendrait de la pièce les Fourberies de Scapin, de Molière.

Scapin propose au père de son maître, Géronte, de le cacher dans un sac pour lui éviter de se faire attaquer par ses ennemis en rentrant chez lui. Géronte accepte. Le serviteur se venge alors du maître en prétendant être les ennemis redoutés et en le frappant à coups de bâton. Géronte est donc l’idiot qui a accepté d’entrer dans le sac : un fou dans une poche.

5 — Lâcher son fou

L’expression lâcher son fou signifie « donner libre cours à son envie de bouger, de s’amuser, de faire la fête ».

Source : La Presse

— J’ai tellement hâte que le confinement se termine ! Je vais enfin pouvoir lâcher mon fou. Ça ne sera pas beau, je t’en passe un papier (je te l’assure, je te le promets) !

— Mon professeur de théâtre m’a dit un jour que j’étais trop réservé, que je devrais apprendre à lâcher mon fou. Je crois qu’il regrette de m’avoir donné ce conseil. Aujourd’hui, il me trouve fou comme de la marde.

6 — Fou braque

Fou braque signifie « déjanté, cinglé, excessif ».

— Jules me regardait avec ses yeux de fou braque. Je ne sais jamais comment réagir dans ces moments-là.

— Le spectacle était fou braque. C’était beaucoup trop éclaté à mon goût.

Selon Guy Bertrand, premier conseiller linguistique de la Société Radio-Canada, fou braque ne tire pas son origine de l’artiste Georges Braque, un peintre cubiste que plusieurs considéraient comme dérangé. Braque viendrait plutôt des braques, une race de chiens de chasse difficiles à dresser. À l’origine, on disait qu’une personne était « folle comme un braque. »

7 — Fou de toi

Être fou de toi signifie « être follement amoureux de toi ». Cette locution est une traduction de l’anglais crazy about you.

Je suis fou de toi depuis la maternelle.
Je suis fou de toi depuis la maternelle.

— Je suis fou de toi depuis l’école secondaire (lycée). Mais je n’avais jamais eu le courage de te le dire. C’est fou, hein ?

— Je suis tellement fou de toi que je suis prêt à quitter mon emploi à Montréal pour te suivre en Abitibi.

Source photo : depositphotos.com

8 — Les deux sens de l’expression t’es don’ ben fou !

T’es donc ben fou peut être une façon de remercier quelqu’un avec tendresse.

— Tu m’as apporté des fleurs ! T’es donc ben fou !

Par contre, « t’es don’ ben fou », dit sur un ton tranchant, signifie « tu es dérangé ».

Il faut donc faire attention au ton que vous employez lorsque vous dites « t’es donc ben fou ». Cela vous évitera de faire un fou de vous (faire un fou de soi), un calque de l’anglais to make a fool of oneself, c’est-à-dire « se rendre ridicule ».

9 — Il y en a pour les fins et les fous

Au Québec, nous avons donc beaucoup d’expressions utilisant le mot fou. En fait, il y en a pour les fins et les fous, c’est-à-dire qu’il y en a pour tout le monde, en abondance.

Mon jardin : pour les fins et les fous. Titre d'un magazine d'horticulture québécois.

— J’avais peur qu’il manque de nourriture à mon mariage. Je me suis inquiétée pour rien, il y en avait pour les fins et les fous. Mes parents ont mangé des restes pendant un mois.

Et dans le contexte de cette expression, le mot fin signifie « personne intelligente, subtile ». Fin peut aussi être utilisé comme adjectif pour dire qu’une personne est gentille, agréable.

— Tu es l’homme le plus fin que je connaisse.

— Ta mère est assez fine ! (tellement gentille !) Elle nous reçoit toujours avec générosité, peu importe l’occasion.

Pour terminer, un lecteur nous a écrit pour nous faire connaître l’expression que sa mère utilisait pour qualifier une personne d’intelligence moyenne : « pas assez fou pour mettre le feu, pas assez fin pour l’éteindre ».

« Pas fin », dans ce contexte, signifie quelqu’un de peu intelligent. Par exemple, si on qualifie quelqu’un de « pas fin fin », cela veut dire qu’il n’est pas très brillant, à la limite stupide. Le doublon « fin fin » est voulu.

10 — Les ventes du Vendredi fou

Et pour terminer, au Québec nous traduisons « les soldes du Black Friday » par « les ventes du Vendredi fou ». La locution Vendredi noir, traduction littérale de l’anglais, est d’usage très rare. Et nous utilisons aussi bien le mot vente (tiré de l’anglais, sale) que le mot solde.

— La mode du Vendredi fou s’est imposée en quelques années seulement. Quand j’étais jeune, on n’entendait jamais parler de ça.

Si vous désirez découvrir d’autres mots et expressions du Québec, n’hésitez pas à consulter notre dictionnaire québécois.

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